la faïence de Quimper a plus de 300 ans (Le Télégramme).

Aiguières
Une magnifique paire d’aiguières sur piédouche en faïence polychrome décorées de danseurs, de musiciens et de bouquets. Les cols sont ornés des armes de Bretagne et de Quimper et les anses orange soulignées de filets noirs.

Lancée par un Provençal installé à la fin du XVIIe siècle dans la capitale de Cornouaille, la faïence devient en trois siècles l’une des marques de fabrique de la ville de Quimper, et un élément incontournable du patrimoine breton.

Les dates divergent selon les sources, qui parlent de 1690 ou 1699, mais toutes s’accordent sur un point : c’est bien à Jean-Baptiste Bousquet que l’on doit la création de la première faïencerie de Quimper. Installé dans le quartier de Locmaria, cet artisan provençal originaire de Saint-Zacharie crée son entreprise dans un endroit propice au développement de son activité. « D’une part, il n’y a pas d’autres faïenceries dans la province, au moins jusqu’à Nantes ou Rennes, explique Michel Roullot, spécialiste de la faïence, dans un ouvrage collectif consacré au sujet (*). D’autre part, les conditions techniques favorables sont réunies : le bois pour chauffer les fours est abondant et peu onéreux ; près de Quimper, à Toulven, aux bords de l’Odet, un gisement d’argile permet de fabriquer des poteries, du grès et de la faïence blanche ordinaire ; enfin, l’Odet qui traverse Quimper, permet de faire venir la terre facilement et d’expédier, par voie maritime vers le Léon et le Trégor, les produits fabriqués. »

Une période idéale

La période est aussi particulièrement bien choisie : suite à la grave crise financière qui touche le Royaume, conséquences des guerres menées par Louis XIV et la révocation de l’Édit de Nantes en 1685 qui entraîne l’émigration des protestants et la fuite de leurs capitaux, le roi de France oblige, fin 1689, les particuliers à porter leur vaisselle d’argent pour que ce matériau précieux soit transformé en monnaie, afin de renflouer les caisses de l’État. Nobles et riches bourgeois doivent dès lors s’équiper de nouveau. « Les faïenciers vont donc produire des pièces de grande qualité pour satisfaire la demande », poursuit Michel Roullot. D’autant plus que la création de ces fabriques est encouragée par Colbert, le ministre des Finances, afin d’éviter les importations. L’affaire de Jean-Baptiste Bousquet se développe à tel point que son fils Pierre, tout juste nommé maître-faïencier à Marseille, le rejoint. Il se retrouve à la tête de l’entreprise familiale moins d’un an après son arrivée, suite au décès de son père et poursuit le développement de la manufacture, spécialisée dans la fabrication de vaisselle mais aussi de pipes à fumer en terre.

Une histoire de famille

Au cours du XVIIIe siècle, la faïencerie continue sa croissance avec ses directeurs successifs, d’abord Pierre Bellevaux, gendre de Pierre Bousquet, qui apporte les techniques des faïences de Nevers dont il est originaire. Puis Pierre-Clément Caussy, fils d’un faïencier de Rouen, qui épouse la fille du nouveau patron. « Son apport à l’édifice de Quimper est des plus importants, explique le site du musée de la faïence (**). Il influencera la production jusqu’à la fin du XIXe siècle grâce aux nombreux poncifs qu’il avait eu soin d’emmener… » L’influence rouennaise transforme peu à peu la faïence quimpéroise en une production plus artistique. En 1771, la fille de Caussy épouse Antoine de La Hubaudière, qui donnera le nom définitif à la manufacture : HB – La Grande Maison. Jusqu’en 1917, les descendants se succéderont à la tête de l’entreprise familiale, avant qu’elle soit reprise par un industriel du Nord de la France.

Le développement des faïenceries

Dès la fin du XVIIIe siècle, la concurrence apparaît à Quimper face à la maison HB. D’anciens ouvriers lancent leur propre affaire, avec diverses fortunes. Au XIXe siècle, on compte ainsi plusieurs manufactures de faïence à Quimper et dans les alentours, mais peu parviennent à égaler HB. L’une d’entre elles va cependant y arriver : la manufacture Porquier. La firme prend la suite de la manufacture Eloury, du nom d’un ancien ouvrier de HB, qui a monté sa société en 1772. Spécialisée dans la faïence culinaire et utilitaire, l’entreprise s’aventure dans les années 1870 dans la faïence d’art avec Alfred Beau, qui apportera à la production finistérienne un nouveau souffle qui fera sa renommée. « Il est probablement le personnage le plus important de l’histoire des faïenceries quimpéroises, poursuit Michel Roullot. Originaire de Morlaix, élève d’Eugène Isabey, gendre d’Émile Souvestre, il est le créateur du premier décor breton ». Au début du XXe siècle, Quimper ne compte plus que trois manufactures : HB, PB (pour Porquier-Beau) et HR (fondée en 1891 par Jules Henriot).

Pour en savoir plus

(*) « Quimper, trois siècles de faïence », ouvrage collectif, éditions Ouest-France, 2002.

(**) Le site Internet du musée de la faïence de Quimper : www.musee-faience-quimper.com

« Histoire de la faïence de Quimper » de Bernard Verlingue, éditions Ouest-France, 2011.


Une concurrence farouche et un vivier d’artistes

Au cours de XXe siècle, les trois manufactures quimpéroises se livrent une concurrence farouche (avant de finalement fusionner les unes avec les autres au fil des années), rivalisant de créativité et n’hésitant pas à faire appel à des artistes – plus de 260 référencés – pour décorer leur vaisselle mais aussi créer des statuettes religieuses ou profanes, ainsi que des éléments décoratifs. Des peintres comme Mathurin Méheut, Yvonne Jean-Haffen, René Quillivic ou Jeanne Malivel y collaborent au cours de leur carrière.

Les motifs décoratifs s’enrichissent de multiples sujets d’inspiration locale et légendaire, comme des scènes de pêche, de marine ou encore de la vie quotidienne, tout en respectant la palette de couleurs typiques du style finistérien (bleu, vert, rouge, jaune et violet). Cette profusion créative et la qualité des productions font connaître la faïence de Quimper dans toute la France. Cet élan est renforcé par le développement du chemin de fer et l’avènement des loisirs balnéaires, qui attirent en Bretagne touristes et artistes.

La réputation de la faïence de Quimper va même dépasser les frontières de l’Hexagone. En effet, avec ses petits Bretons à l’allure folklorique peints à la main et représentés dans un style naïf, la vaisselle bretonne s’exporte de nos jours aux États-Unis, au Canada et même au Japon. Si Quimper reste aujourd’hui le dernier centre faïencier en activité de France, la fabrication – industrielle comme artisanale – reste dynamique, grâce notamment à de jeunes artistes qui perpétuent la tradition, tout en l’ancrant dans la modernité.

Publié le 29 août 2021 par Serge Rogers – Le Télégramme ©

Robert Micheau-Vernez. Philippe Théallet lui consacre un ouvrage (Le Télégramme).

Mikaël Micheau-Vernez et Philippe Théallet
La représentante des éditions Groix, Mikaël Micheau-Vernez, et Philippe Théallet, présentent le livre consacré à l’artiste Micheau-Vernez.

Philippe Théallet vient de publier un ouvrage consacré à Robert Micheau-Vernez, peintre, céramiste, dessinateur, sculpteur et créateur de vitraux. Le livre est richement illustré et fait découvrir des œuvres inconnues.

Sous le titre « Micheau-Vernez, l’œuvre de faïence », publié chez Groix Éditions, Philippe Théallet, présente, dans un ouvrage très documenté, un grand nombre d’œuvres de cet artiste épris de couleurs. Il fut peintre, créateur de vitraux, sculpteur et amoureux du dessin. Souvent l’auteur de ces pages s’est entretenu avec Mikaël Micheau-Vernez, le fils de l’artiste qui défend d’ailleurs ardemment l’œuvre de son père.

Né à Brest en 1907, Robert Ernest Albert Micheau, est élève au Collège Saint-Louis de Brest. Il suit des cours de dessins les jeudis et dimanches matin, travaille à la copie des toiles exposées au Musée de la ville. Dès sa plus tendre enfance, il aime dessiner et rêve d’une carrière artistique, ce qui est loin de plaire à son père officier de marine. Très vite, le mouvement devient son centre d’intérêt. Il fixe sur ses livres et cahiers, ces courbes, ces gestes de la vie. Bientôt il est étudiant aux Beaux-Arts de Nantes ou il fréquente les cours d’Émile Simon. Puis s’inscrit à l’École nationale supérieure de Paris et à l’atelier du peintre Lucien Simon. On le voit à la Grande Chaumière de Montparnasse, aux Ateliers d’Art sacrés de Maurice Denis. Il interrompt ses études pour épouser en 1932 une autre artiste Lisa Mina Vernez. Robert Micheau devient ce jour-là Robert Micheau-Vernez.

Créateur de faïence

À la demande de l’Abbé François Madec, secrétaire général du Bleun Brug (association catholique traditionaliste bretonne qui promeut des valeurs qui lui sont chères), Robert Micheau-Vernez réalise plusieurs illustrations pour de multiples revues. De fil en aiguille, il rencontre Jules Henriot et intègre la manufacture quimpéroise. De tout son talent et aussi de toutes ses forces, l’artiste va marquer les faïences qu’il crée. Ses statuettes, sa vaisselle de table adoptent des courbes tout en douceur.

Le livre est richement illustré. On y découvre des œuvres complètement inconnues, mais aussi une fresque réalisée pour la gare SNCF en 1970. Cet ouvrage complète ceux déjà parus en révélant un peu plus sur la vie et l’œuvre d’un artiste qui a marqué l’histoire de la faïence quimpéroise.

Pratique :
« Micheau-Vernez, l’œuvre de faïence » par Philippe Théallet, avec la collaboration de Mikaël Micheau-Vernez. Groix éditions et diffusion.

Publié le 5 octobre 2019 par Éliane Faucon-Dumont – Le Télégramme ©

Itron Varia Breiz Izel de Robert Micheau-Vernez.

L’étude du commissaire-priseur Jack-Philippe Ruellan organisait ce samedi 4 mai 2019 une vente de tableaux et d’arts décoratifs à Vannes (56).
L’œuvre de l’artiste Robert Micheau-Vernez « Itron Varia Breiz Izel » figurait dans cette vacation.
Cette pièce rare a été adjugée au prix record de 21 576 € frais inclus (17 400 € au marteau). Elle était estimée entre 4 000 et 6 000 €.

Robert Micheau-Vernez
Robert MICHEAU-VERNEZ (1907-1989) « Itron Varia Breiz Izel » circa 1958, 59 x 30 x 21 cm – manufacture Henriot (Lot n°18 de la vente du 4 mai 2019).

La statuette était présentée dans l’exposition thématique du Musée de la Faïence de Quimper, « les femmes et les enfants d’abord… » en 2016. Un article du quotidien le télégramme était consacré à cette faïence.


« Vous allez être excommunié ! » (Le télégramme).

Robert Micheau-Vernez
« Itron Varia Breiz Izel » (« Notre-Dame de Bretagne ») de Robert Micheau-Vernez.

L’enfant Jésus jouant du biniou ! Œuvre insolite de l’artiste Robert Micheau-Vernez, dont l’évêché provoqua, dans les années 1950, l’interruption de la production. Elle est exposée au Musée de la faïence. C’est le premier volet d’une série consacrée aux expositions de l’été.

« Lorsque cette pièce en faïence a été éditée, l’évêché a contacté Jules Henriot, le patron de la faïencerie à l’époque, en lui disant : « Mais Monsieur Henriot, vous allez être excommunié ! ». Jules Henriot, qui était très croyant, a tout de suite arrêté la production », relate, l’oeil malicieux, Bernard Verlingue. Le conservateur du Musée de la faïence désigne là « Itron varia breiz izel », une vierge à l’enfant Jésus qui joue du biniou. Elle a été réalisée par Robert Micheau-Vernez (1907-1989) dans les années cinquante. La faïence est montrée dans le cadre de l’exposition temporaire du musée de Locmaria, « Les femmes et les enfants d’abord… ». « L’interruption de la production sur intervention de l’évêque en a fait une pièce extrêmement rare. À ma connaissance, elle existe à cinq ou six exemplaires difficiles à trouver chez les particuliers. Celle-ci appartient à la famille de Micheau-Vernez. Je tenais absolument à la présenter dans le cadre de cette exposition. Au-delà de ses qualités artistiques, symboliques, elle se révèle un joli clin d’œil à la thématique de la femme et de l’enfant. Elle intrigue beaucoup les visiteurs », se réjouit le responsable du musée.

« Il en a été très déçu »

Mais, quelle fut donc la réaction de Robert Micheau-Vernez à l’époque ? « Il en a été très déçu, mais comme il était fidèle, il ne l’a pas fait fabriquer ailleurs. Il l’a mise dans sa poche avec son mouchoir par-dessus ! C’était pourtant, pour lui, une pièce emblématique de la Bretagne. Souvenons-nous que l’artiste a appartenu au mouvement Seiz Breur. Pour lui, qui était également sonneur, l’enfant Jésus pouvait jouer du biniou. Pourquoi pas après tout ? Il avait conçu cette pièce en toute bonne foi, sans aucune provocation. Moi, je trouve cela fantastique ! », s’exclame Bernard Verlingue. Cette vierge à l’enfant, si singulière, arbore des couleurs vives et notamment un fabuleux bleu aluminate de cobalt. « Elle est tout à fait dans l’esprit de Micheau-Vernez, qui est l’artiste qui a introduit le mouvement dans la faïence de Quimper, avec ses robes, ses plis, ses décorations, la reprise de fresque de danseurs », éclaire le spécialiste. La faïencerie Henriot a-t-elle, malgré la menace d’excommunication de son ancien patron, conservé un modèle de l’œuvre ? « Oui, nous l’avons retrouvé il n’y a pas si longtemps. Ce pourrait être amusant de relancer sa production », lance Bernard Verlingue. Il tempère aussitôt. « Enfin, en réalité, ce serait délicat, car il y a beaucoup de détails, de choses collées, les rubans de la coiffe qui rappelle d’ailleurs Sainte-Anne-d’Auray, tous les morceaux du biniou sont rajoutés après… C’est un boulot assez considérable », décrit le conservateur du musée. Il entrevoit une reprise de production coûteuse. « Au niveau du prix de la pièce en modèle ancien. La dernière qui s’est vendue l’a été à plus de 6.000 € », évalue-t-il.

Publié le 08 août 2016 – Le Télégramme ©

Exposition – Quimper et les « Provinces » françaises.

Une production atypique : Quimper et les « Provinces » françaises
Durant l’entre-deux-guerres, et encore plus nettement dans les années 1930, les manufactures de céramique quimpéroises, fortes de leur savoir-faire, souhaitent profiter de potentielles ventes dans les autres régions françaises.

Assiette Pays Basque.Au-delà du « petit Breton », dont le succès et la popularité ne sont plus à démontrer, elles tentent alors d’exporter la céramique de Quimper… dans les diverses « provinces » françaises.
Des collaborateurs « maison » créent certains modèles, des artistes extérieurs à la Bretagne proposent également leurs services ou sont sollicités.
Peu ou prou, l’ensemble des régions françaises disposant de particularismes significatifs est couvert.
De la Normandie, voisine, à l’Alsace, en passant par les Pyrénées ou la Camargue, chaque lieu reçoit son lot de faïences, faites à Quimper, mais représentant la typicité de chaque région.
D’une façon générale, afin de ne pas porter la moindre référence faisant écho à la Bretagne, ces faïences utilisent des marques ou des contre-marques, évoquant un lieu de vente, voire le nom d’un revendeur.

Plat à cake.L’amateur sera ainsi troublé de voir des céramiques portant des signatures telles que VB (pour Verlingue-Bolloré, c’est-à-dire la manufacture HB) ou encore JH (pour Jules Henriot), voire même le monogramme PB, sans mention d’une origine bretonne.
Chez HB, le créateur « maison » le plus prolifique dans ce domaine est sans doute Paul Fouillen. Son style facilement reconnaissable se retrouve utilisé pour reproduire, notamment, des Normands, des Auvergnats ou encore des Bressans. Chez Henriot, pour l’emploi des familiers de la manufacture, on pensera à l’ingénieur maison, par ailleurs artiste créateur à ses heures perdues, Victor Lucas, qui, normand d’origine, crée quelques faïences rappelant cette province.

Jacques LE TANNEUR - Luge

Jacques LE TANNEUR (1887-1935)

Les deux manufactures quimpéroises de l’entre-deux-guerres font appel, ou sont sollicitées, par des artistes régionaux. Ceux-ci cherchent à diffuser, régionalement, des produits « dérivés » portant la touche de leur style propre.
A la manufacture HB, Jeanne Audiberti, Diane Delin, Louis Guien ou encore Marthe Labarrère représentent des Provençaux.
Mais c’est avant tout la manufacture Henriot qui va développer ces éditions destinées aux diverses provinces.
Des dessins du célèbre Jean-Jacques Waltz, alias Hansi, auraient été utilisés pour des représentations destinées à la commercialisation en Alsace. André Houillon fait éditer chez Henriot tout un ensemble de personnages vosgiens. Laffitte se frotte à l’Algérie, mais aussi aux protectorats que sont alors le Maroc et la Tunisie, pour créer une production (rare) de sujets en volume. Etienne Laget, artiste installé à Arles, fait éditer par la manufacture un assez grand nombre d’assiettes, plats, vases ou pichets. Ces céramiques ne portent, en règle générale, pas de mentions les rattachant à Quimper, mais la marque Faïence Folklorique JH. Les thématiques principales de Laget sont évidemment rattachées à sa région, mais parfois, rarement, l’artiste s’est essayé à des représentations auvergnates ou alsaciennes. Jacques Le Tanneur, artiste basque, est contacté par la manufacture Henriot dans les années 1930. Il fait réaliser à Quimper des pièces de forme ainsi que des décors basques et pyrénéens sur des assiettes, plats, pichets etc. Louis de Lombardon, artiste de la région marseillaise, donne également quelques (rares) modèles à la reproduction chez Henriot. Ces céramiques évoquent, comme celles de Laget, la région de Marseille et d’Arles. Jean-Roger Sourgen quant à lui ne crée que des décors, épurés, évoquant des paysages la région landaise.

Étienne LAGET - Assiette.

Étienne LAGET (1896-1990)

André Galland est l’un des décorateurs de la manufacture Henriot les plus prolifiques. En effet, s’il crée nombre de sujets bretons, il est largement associé à ce que le manufacture appelle les « éditions d’art régional ». Ainsi, les créations de Galland concernent l’Auvergne, la Normandie, la Provence, le Pays basque et les Pyrénées et… au-delà. C’est toute la « plus grande France », pour reprendre la terminologie de l’époque, qui est concernée. Outre les territoires métropolitains, en effet, l’Algérie reçoit ses créations régionales. Ainsi, chez Henriot, André Galland, toujours lui, ne crée pas moins de 59 modèles différents pour ce « département français » ! Qu’il s’agisse de décor de pièces de la manufacture (assiettes, plats…) ou de créations en volume (personnages), quelques noms de l’époque subsistent et nous laissent songeurs, tels Sultane voilée, Potiche caravane ou encore Bouteille Moukère !

Vase.Philippe Théallet – © Les Amis du Musée et de la Faïence de Quimper.

Jeanne Malivel, pionnière de l’art moderne breton (le télégramme).

Bernard Verlingue

Bernard Verlingue, conservateur du Musée de la faïence de Quimper, devant des pièces dessinées par Jeanne Malivel et réalisées par la Faïencerie Henriot.

Elle fut l’un des membres fondateurs du mouvement du renouveau de l’art breton, Seiz Breur, dans les années 20. Le Musée de la faïence de Quimper consacre sa prochaine exposition à Jeanne Malivel, qui sera visible à partir du 16 avril.

C’est la première exposition consacrée à cette figure du renouveau de l’art breton, dans les années 20. Du 16 avril au 29 septembre prochains, des œuvres de Jeanne Malivel, créatrice aux multiples talents, seront rassemblées au Musée de la faïence de Quimper. « Elle a été l’une des premières à travailler à la rénovation de l’art et de l’artisanat breton, explique Bernard Verlingue, conservateur du musée. Sa particularité est d’avoir été touche à tout ».

Éclectique et d’avant-garde

Dans l’espace consacré à l’artiste, les pièces prêtées par l’association Jeanne Malivel, des collectionneurs et sa famille reflètent l’éclectisme de sa création. Si l’on retrouve quelques-unes de ses premières toiles sages à l’huile ou au fusain, les faïences élaborées avec la collaboration de la maison Henriot, les broderies (dont certaines ont été réalisées par les élèves de l’école Pascal Jaouen, à partir de projets de l’artiste), les gravures sur bois, les vitraux, les meubles ou encore les motifs de tissus géométriques témoignent d’une grande modernité. « Elle s’inscrit vraiment dans les mouvements artistiques avant-gardistes de l’époque », précise Bernard Verlingue.

Un parcours atypique

Jeanne Malivel, née en 1895, à Loudéac, dans une famille de notables ouverts d’esprit, suit en effet un parcours atypique pour une jeune fille au début du XXe siècle. Adolescente, elle prend des cours de dessin à Rennes, auprès d’une cousine, Louise Gicquel, qui éveillera son esprit artistique. À la fin du lycée, elle part suivre des cours à l’académie Julian de Paris, l’une des rares préparations à l’école des Beaux-Arts ouverte aux filles. Elle revient ensuite en Bretagne, où elle s’engage comme infirmière, pendant la guerre. L’exposition présente notamment une série de dessins de soldats blessés, réalisés à l’hôpital de Loudéac.

Fondatrice des Seiz Breur

La jeune femme tente et réussit ensuite, à deux reprises, le concours des Beaux-Arts de Paris, en 1917, puis en 1919, car la guerre la coupe dans ses études. À cette époque, Jeanne Malivel fréquente les milieux bretons. Elle rencontre notamment les autres membres fondateurs des Seiz Breur, « les sept frères », un groupe de créateurs militants qui révolutionne l’art breton dans l’entre-deux-guerres. Le mouvement est créé en 1923, avec René-Yves Creston, Suzanne Candré et Georges Robin, entre autres.

Exposée à Paris en 1925

Dans les années 20, elle produit une œuvre foisonnante. L’exposition présente de nombreuses gravures de Jeanne Malivel, illustrant « L’Histoire de Bretagne » écrite par Claude Danio, en 1922. Plusieurs meubles aux motifs modernes sont également exposés. En 1923, elle contacte Jules Henriot pour réaliser des pièces aux motifs traditionnels réinterprétés, mais aussi un service aux formes octogonales jaunes et bleus. Ce dernier, également présenté au musée, sera exposé en 1925 au pavillon breton de l’Exposition internationale des arts décoratifs de Paris. Cette année-là, Jeanne Malivel se marie et réduit ses activités artistiques. Un an après, en 1926, sa vie et son œuvre s’achèveront prématurément. L’œuvre éclectique et résolument moderne de Jeanne Malivel mérite le détour, d’autant qu’elle témoigne de la force de caractère de cette femme engagée dans son temps.

Pratique
Exposition « Jeanne Malivel, pionnière de l’art moderne breton », visible au Musée de la faïence, du 16 avril au 29 septembre. Tarifs : 5 €, réduit, 4 €.

Publié le 12 avril 2018 par Emmanuelle GENOUD – Le Télégramme ©