Yvonne Jean-Haffen (éditions Ouest-France – Ville de Dinan).

En 2012, la ville de Dinan organisait une grande exposition monographique des œuvres d’Yvonne Jean-Haffen (1895-1993), au Centre des congrès.
Les éditions Palantines publiaient le premier ouvrage de référence sur l’artiste, trop souvent restée dans l’ombre du peintre Mathurin Méheut (1882-1958).
Les éditions Ouest-France rééditent cette année ce livre, sous une version brochée avec rabat.

Peinture Yvonne Jean-Haffen
L’Offrande des fraises, 1933, caséine sur toile, 100 x 154 (collection particulière).

Denise Delouche (professeur émérite d’histoire de l’art de l’Université de Rennes) et Anne de Stoop (ancienne conservatrice du musée Mathurin Méheut de Lamballe) assurent la direction de cet ouvrage collectif.

Elles se chargent de retracer la carrière de l’artiste et son œuvre (peinture, illustration, exposition, …).

De nombreux spécialistes viennent apporter un éclairage nouveau sur son œuvre.
On citera bien évidemment le texte de référence de notre ami Philippe Théallet, qui présente son travail de céramiste (« la céramique : expérience de la diversité »).
L’historien spécialisé dans le domaine de la céramique quimpéroise, nous présente le travail d’Yvonne Jean-Haffen dans le sillon de Mathurin Méheut, aux faïenceries Henriot, mais également à la manufacture nationale de Sèvres. L’artiste exercera ses talents dans divers ateliers parisiens, à Dinan et à Saint-Méen-le-Grand.

Girafes
Girafes, Faïence, H. 30,5, L. 18, l. 5,5 cm, Monogramme sur le côté YJH, au revers au crayon Mme Jean-Haffen [Manufacture Henriot Quimper], collection particulière.

Ce livre porte la voix de Daniel Morane sur la place centrale de l’estampe dans le corpus de son œuvre. On redécouvre avec René Le Bihan (ancien conservateur du musée des Beaux-arts de Brest) son travail en commun avec son mentor, sur les décors pour l’Institut de géologie de Rennes (1941-1948).

Il n’est pas possible d’évoquer le souvenir d’Yvonne Jean-Haffen sans retracer la création du musée Mathurin Méheut de Lamballe (Henri Froment-Meurice) et la « Grande Vigne » à Dinan (Loïc-René Vilbert).

2023 – Association des Amis du Musée et de Faïence de Quimper ©


Autoportrait d'Yvonne Jean-Haffen
Autoportrait de profil, à la parure de corail, huile sur toile, 45 x 37 (collection particulière)

Même si elle a beaucoup appris et travaillé auprès de Mathurin Méheut, Yvonne Jean-Haffen est une artiste à part entière et une femme d’action.
Dans cette réédition de l’ouvrage de 2012, réactualisée par Denise Delouche, Anne de Stoop et la Ville de Dinan, des historiens de l’art, des spécialistes de l’estampe et de la céramique, des témoins composent un portrait complet d’une artiste attachée à Dinan et à sa maison-atelier, la Grande Vigne.
Yvonne Jean-Haffen a régulièrement exposé à Paris. Elle a reçu des commandes des grandes compagnies maritimes et a, entre autres, illustré des livres, collaboré au décor de l’Institut de géologie de Rennes…
Son œuvre d’une grande créativité ne se limite pas à la représentation de la Bretagne, elle touche Paris et bien d’autres régions.

Couverture livre Yvonne Jean-Haffen

Yvonne Jean-Haffen
sous la direction de Mme Denise Delouche et Mme Anne de Stoop – Préface de René Benoît, ancien Maire de Dinan
Henri Froment-Meurice, René Le Bihan, Daniel Morane, Claudine Pigot, Philippe Théallet et Loïc-René Vilbert
Ouest-France éditions/ville de Dinan – 192 pages
ISBN : 978-2-7373-8976-3 – tarif 39,90 € – Paru en novembre 2023.

2023 – Éditions Ouest-France ©

Galeriste à Quimper, Philippe Théallet porte un regard d’expérience sur la faïence (Ouest-France).

Philippe Théallet, galeriste à Quimper (Finistère), est un spécialiste de la faïence, de son histoire et de sa diffusion. Rencontre avec un passionné.

Philippe Théallet
Philippe Théallet, galériste à Quimper (Finistère) et spécialiste de la faïence.

Dans la petite rue Sainte-Catherine, à Quimper, à l’ombre de l’imposante préfecture, cela fait déjà quatorze ans que Philippe Théallet a ouvert sa galerie. En vitrine, des faïences (de Quimper, bien entendu), des gravures et des peintures d’artistes finistériens, toujours en activité ou faisant désormais partie d’un chapitre de l’histoire de l’art.

Justement, l’histoire de l’art l’a conduit à sa passion. « Pour moi, l’histoire et l’histoire de l’art son intimement liées », explique ce natif de Fougères (Ille-et-Vilaine), qui a grandi à Brest.

À Rennes, il obtient un diplôme d’études approfondies (DEA) dans ce domaine. Denise Delouche, alors enseignante et grande spécialiste de Mathurin Méheut, notamment, l’oriente vers la faïence de Quimper. Son sujet de mémoire sera consacré « à son chouchou », précise-t-il, Paul Fouillen (1899-1958).

Galerie Théallet
au premier plan, des sonneurs de pontivy, de robert micheau-vernez, sur la gauche « gradlon, fuite en egypte » de daniel gouzien.

« Des collectionneurs aux États-Unis »

Dans le milieu professionnel, Philippe Théallet est à bonne école en travaillant au musée de Pont-Aven, puis en tant qu’assistant de Bernard Verlingue au Musée de la faïence à Quimper.

Une faïence qui ne le quitte plus. Décorative ou utile, elle a traversé le temps. Et s’est exportée. Comme à New York, après la Première Guerre mondiale. Les Américains qui se sont battus sur notre sol ont ramené au pays quelques souvenirs.

« C’est vrai qu’il y a des collectionneurs aux États-Unis. » Un marché américain qui a fait flamber les prix, avant de s’éteindre petit à petit. « Le savoir-faire de Quimper a été exporté dans toutes les régions de France, souligne le galeriste, par ailleurs président de l’Association des amis du Musée départemental breton et membre du conseil d’administration de l’association des Amis du Musée et de la faïence de Quimper. Il faut noter une grosse production pour les grands magasins de Paris. »

Galerie Théallet
détail d’une des vitrines de la galerie, avec une belle collection de personnages bretons.

Mais la traditionnelle signature et la provenance des pièces étaient gommées. « Cela faisait sans doute plouc », indique le galeriste, en haussant les sourcils. Si elle a connu son heure de gloire, la faïencerie est tombée en désuétude. Comme la manufacture Keraluc et ses fameux grès, au top dans les années 1950 et 1960 mais « dépassée » par la production industrielle de vaisselle. La faïence a été jugée ringarde, trop estampillée bretonne. « À la fin des années 1960 et au début des années 1970, la concurrence portugaise, de fabrication moins chère, a précipité sa chute, mais le coup de grâce est venu de la production asiatique. Et les goûts ont évolué avec la société, les gens voulaient sans doute moins d’objets connotés Bretagne. »

Mais de jeunes générations s’en sont de nouveau entichées. Le regain d’intérêt autour du mouvement d’entre-deux-guerres des Seiz Breur (les Sept frères en breton) et le travail de Renée Yves Creston par exemple, ont favorisé son retour de l’oubli.

Les faïenceries font appel à des artistes, des designers et des créateurs pour donner un aspect plus contemporain. Comme au temps des grands noms de la grande époque, de René Quillivic, dans les années 1920, pour HB, à Mathurin Méheut pour Henriot. « Très connu à l’époque, qui jouait un peu le rôle de rabatteur d’artistes dans les salons parisiens. »

Intarissable sur le sujet, Philippe Théallet s’interrompt deux minutes. Un monsieur, un habitué, arrivé avec une faïence et sa gangue de papier bulle. Il s’agit d’un pichet Henriot. Les deux vont faire affaire…

Publié le 26 avril 2023 par Jean-Marc PINSON – Ouest-France ©


Faïence, gravure, peinture : « Tout est lié », explique ce passionné à Quimper

Dans sa galerie quimpéroise, Philippe Théallet n’expose pas seulement des faïences. Graveurs et peintres sont à l’honneur.

Olivier Lapicque
Un hommage au musée de la faïence avec une gravure d’Olivier Lapicque. Un hommage au musée de la faïence avec une gravure d’Olivier Lapicque.

« Les artistes qui ont travaillé dans la faïence sont tous polyvalents, souligne Philippe Théallet, spécialiste de la question, qui tient une galerie à Quimper. D’une certaine façon, pour créer, ils étaient obligés de s’intéresser à tous les arts, comme l’on fait les artistes du Seiz Breur (les Sept frères en breton). »

Ce féru d’histoire n’est pas pour autant bloqué sur le passé. Au con-traire. Le galeriste se fait passeur avec des artistes contemporains.

C’est le cas de Valérie Le Roux, céramiste à Concarneau, désormais bien installée et qui décline son uni-vers graphique sur bien des supports. « J’ai découvert son travail quand elle sortait des Beaux-Arts, elle n’était pas du tout connue. »

Autre artiste basé à Concarneau, Olivier Lapicque, graveur, qui travaille la céramique et la gravure et le collage avec, notamment, des capsules de bouteilles de vin. Et, « comme tout est lié », dit le galeriste, rappelons qu’Olivier Lapicque est le petit-fils d’un Seiz Breur, Gaston Sébilleau.

Le Douarneniste Paul Moal, qui aime aussi intégrer des collages dans ses peintures, a réalisé une belle série de pêcheurs pour Henriot et travaillé pour la Faïencerie d’art breton. Le regretté René Quéré, décédé il y a moins de deux ans, avait collaboré avec Keraluc.

Philippe Théallet les expose. Et bien d’autres. Difficile de parler de tout le monde mais notons le travail remarquable en gravure de Dominique Le Page, et ses arbres magnifiques, ou encore de Marianne Le Fur, et ses vagues qui n’en finissent pas de rouler sur le papier. Le galeriste, encore une fois dans l’optique de toucher le plus grand nombre comme le souhaitaient les membres du Seiz Breur, met ainsi à portée de toutes les bourses (ou presque) une œuvre d’art par le biais de gravures. Mais attention, si vous commencez, la collectionnite aiguë vous guette !

Jean-Marc PINSON

Les nouvelles publications sur l’artiste Mathurin Méheut (1882-1958).

Les nouvelles publications sur l’œuvre de Mathurin Méheut sont importantes en 2022.
Elles s’inscrivent dans le cadre des multiples évènements de cet été (ouverture du nouveau Musée Mathurin Méheut à Lamballe et l’exposition en cours à Pont-Aven).
Nous faisons pour vous un tour d’horizon de ces livres.


Mathurin Méheut – Arpenteur de la Bretagne

MATHURIN MÉHEUT - Arpenteur de la Bretagne.

MATHURIN MÉHEUT – Arpenteur de la Bretagne
Mylène Allano, Gilles Baratte, Denis-Michel Boëll, Frédéric Bonnor, Denise Delouche, Sophie Kervran, Élisabeth Renault et Anne de Stoop

Éditions FATON – 208 pages – ISBN : 978-2-87-844-327-1 – tarif 29 € – Paru en juin 2022.

MATHURIN MÉHEUT - Arpenteur de la Bretagne.

Artiste majeur du XXe siècle en Bretagne, Mathurin Méheut (1882-1958) a tracé une voie artistique personnelle et originale tout au long de sa vie. De son fulgurant coup de crayon, il nous immerge au cœur de la société bretonne travailleuse et pieuse de la première moitié du XXe siècle. La conscience aiguë des mutations de la société qui l’a vu naître et son talent d’observateur font de lui un précieux témoin.


L’Objet d’Art Hors-séries – Le musée Mathurin MÉHEUT de Lamballe-Armor

L'Objet d'Art Hors-séries n° 161 - Le musée Mathurin MÉHEUT de Lamballe-Armor.

L’Objet d’Art Hors-séries n° 161 – Le musée Mathurin MÉHEUT de Lamballe-Armor

Éditions FATON – 64 pages – ISSN : 9772426009004 – tarif 10 € – Paru en juin 2022.

L'Objet d'Art Hors-séries n° 161 - Le musée Mathurin MÉHEUT de Lamballe-Armor.

Il y a 50 ans, le premier musée Mathurin Méheut ouvrait ses portes au public, à Lamballe, dans la maison du Bourreau, bâtiment du XVe siècle, sous la forme associative. Il aura fallu près de 20 ans pour que l’idée d’un nouveau musée, qui avait germé dans l’esprit de quelques passionnés, voie le jour. Il fallait un peu de folie et de l’audace pour imager un tel musée ! Mais quelle joie! Quel plaisir de pouvoir proposer aux visiteurs un si bel équipement, qui allie valorisation du patrimoine du Haras national et performance technique de conservation et de valorisation des œuvres.


La biodiversité littorale vue par Mathurin Méheut

La biodiversité littorale vue par Mathurin Méheut.

La biodiversité littorale vue par Mathurin Méheut
Textes de Michel Glémarec

Éditions LOCUS SOLUS – 160 pages – ISBN 978-2-36833-396-9 – tarif 27 € – Paru en juillet 2022.

Venu pour six mois à Roscoff en 1910, le grand artiste Mathurin Méheut y restera deux ans, réunissant la somme de ses aquarelles, dessins et croquis dans un ouvrage exceptionnel : L’Étude de la Mer. Chacune de ses œuvres reproduites ici s’accompagne d’un commentaire rédigé par l’océanographe biologiste Michel Glémarec. 140 dessins et planches en couleur, reproduisant plus de 160 espèces, témoignent de la richesse spécifique de ces milieux souvent fragiles.
La qualité scientifique de l’auteur éclaire ce foisonnement illustré et permet d’appréhender un univers marin longtemps demeuré mystérieux.


Mathurin Méheut – Itinéraires

Mathurin Méheut - Itinéraires.

Mathurin Méheut – Itinéraires
Textes de Denis-Michel Boëll

Éditions LOCUS SOLUS – 48 pages – ISBN 978-2-36833-411-9 – tarif 12,90 € – Parution le 19 août 2022.

Artiste majeur de l’illustration et de la peinture du XIXè siècle Mathurin Méheut (1882-1958) a été prolifique notamment dans le domaine des arts, de la céramique, des estampes et de la décoration.
De ses études de la mer à ces croquis sur le front pendant la 1ère Guerre mondiale, des céramiques aux dessins sur le motif, l’artiste n’a eu cesse de dessiner le végétal, le monde marin, les paysages puis de les décliner en décors, jusqu’à devenir Peintre officiel de la Marine en 1921.
Ses 5 000 œuvres sont aujourd’hui dans les plus grands musées de France et notamment dans le nouveau musée Mathurin Méheut (ré-ouvert en juin 2022) à Lamballe (22), sa ville natale en Bretagne. Cette petite monographie élégante, joli livre-cadeau sur papier de création, présente de façon succincte Mathurin Méheut et reproduit près de 36 de ses œuvres les plus représentatives de son génie créatif.
Artiste majeur du XXe siècle en Bretagne, Mathurin Méheut (1882-1958) a tracé une voie artistique personnelle et originale tout au long de sa vie. De son fulgurant coup de crayon, il nous immerge au cœur de la société bretonne travailleuse et pieuse de la première moitié du XXe siècle. La conscience aiguë des mutations de la société qui l’a vu naître et son talent d’observateur font de lui un précieux témoin.

Publié le 12 juin 2022 – Éditions Faton & Locus Solus ©


L’exposition « Mathurin Méheut, arpenteur de la Bretagne » commentée par Denis-Michel Boëll

L’émission la « Balade du Week-end » a dédié son programme à la nouvelle exposition du Musée de Pont-Aven : « Mathurin Méheut, arpenteur de la Bretagne »

M. Denis-Michel Boëll (commissaire scientifique) présente l’œuvre protéiforme de l’artiste Lamballais.

Publié le 3 juin 2022 – France Bleu Breizh Izel ©

Une œuvre inédite de Mathurin Méheut (Ouest-France).

Anne Le Roux-Le Pimpec & Christian Bellec
Anne Le Roux-Le Pimpec, directrice du musée, et Christian Bellec, président de l’association des Amis du musée du Faouët, devant le tableau.

Le musée du Faouët (Morbihan) expose Le fauchage des blés, peinture grand format du Breton Mathurin Méheut, qui avait échappé aux spécialistes.

Deux personnages, le dos courbé, mettent les blés en javelle sous un ciel bas. Au premier plan, une femme portant le costume du cap Sizun se tient droite, des faucilles dans les bras, une cruche et un bol pour le cidre à ses pieds.

Intitulée Le fauchage des blés, cette caséine grand format (158 x 253 cm), peinte en 1934-1935, constitue la pièce maîtresse de la nouvelle exposition du musée du Faouët, consacrée à la figure du paysan breton dans la peinture. L’auteur ? Rien de moins que Mathurin Méheut (1882-1958). Sa particularité ? Elle est inédite.

Des semaines d’enquête

« C’est exceptionnel », s’enthousiasme Anne Le Roux-Le Pimpec, directrice du musée. Car si des œuvres du prolifique Breton sont régulièrement mises au jour, il s’agit plutôt de croquis, de petits dessins.

Alors, quand son propriétaire, un particulier, propose ce qui s’apparente à un décor après un appel lancé dans les médias en vue de l’exposition, son comité scientifique se met en branle.
Autrice et spécialiste de Mathurin Méheut, l’historienne d’art Denise Delouche veut des preuves. L’universitaire, la directrice et le président de l’association des Amis du musée du Faouët, se lancent dans une enquête.

Elle commence à Dinard, où la famille Le Bras, du nom de l’amie du propriétaire qui lui a cédé l’œuvre, possédait une pâtisserie-salon de thé, face au casino. Elle aurait orné ses murs, croit savoir ce dernier. Le trio fouille les archives municipales, passe en revue les cartes postales d’époque. C’est l’impasse.

En épluchant la correspondance de l’artiste avec son élève et « amie » Yvonne Jean-Haffen – plus de 1 400 lettres – ils découvrent des allusions à une possible commande. Sur un plan pictural, ils établissent « beaucoup de parallèles » avec d’autres œuvres du Breton. Comme la cruche et le bol, des « motifs récurrents » relève Anne Le Roux-Le Pimpec.

Finalement, par la famille Le Bras, ils apprennent que Le fauchage des blés a d’abord décoré sa succursale parisienne, gare Saint-Lazare. Au début des années 1940. Puis la peinture est rapatriée à Dinard, dans un appartement qu’elle ne quittera plus jusqu’à sa vente en 2016.

Musée du Faouët, jusqu’au 31 octobre.

Publié le 7 juillet 2021 par Maxime LAVENANT – Ouest-France ©

Comment le musée du Faouët a pu authentifier une œuvre inédite de Mathurin Méheut (Le Télégramme).

Christian Bellec & Anne Le Roux-Le Pimpe
Christian Bellec, président de l’association des Amis du musée, et la directrice du musée, Anne Le Roux-Le Pimpec, devant Le Fauchage des blés (1934), un panneau inédit du peintre breton Mathurin Méheut, découvert récemment et actuellement exposé au musée du Faouët.

C’est en sollicitant les collectionneurs privés pour une exposition que le musée du Faouët (56) s’est retrouvé à mener une véritable enquête pour authentifier et retracer l’histoire de ce spectaculaire panneau réalisé par l’artiste breton Mathurin Méheut, en 1934… pour une pâtisserie parisienne.

Les chefs-d’œuvre oubliés se font rares. Et pourtant, au musée du Faouët, on se frotte les mains car si trouver l’œuvre n’était pas le plus compliqué, prouver son authenticité en retraçant son histoire a obligé les responsables du musée à remonter sérieusement leurs manches.

Courant 2020, afin d’organiser une exposition sur le paysan breton dans la peinture, la directrice du musée Anne Le Roux – Le Pimpec et l’association des Amis du musée décident, selon l’usage, de solliciter des collectionneurs privés afin d’obtenir des prêts de tableaux en lançant un appel. Parmi les nombreux retours qui ont permis à l’exposition de se tenir actuellement, un particulier les contacte et leur propose un panneau de grande taille du célèbre peintre originaire de Lamballe (22), Mathurin Méheut (1882-1958). Le problème est que personne ne connaît cette œuvre intitulée le Fauchage des blés (et datée 1935 au dos), pas même alors l’historienne de l’art Denise Delouche qui fait autorité sur la question. En outre, le propriétaire – qui l’a acquis en 2016 – sait peu de choses sur l’historique de son bien. Impossible dans ces conditions d’exposer cet immense panneau (158 x 253 cm) sans la suspecte mention « attribué à… ». Une option que les responsables du musée n’envisagent qu’en se pinçant le nez…

« On ignorait complètement son existence »

Pas question pour autant de rester frileux sans en savoir plus. Un comité scientifique, composé de Denise Delouche, Anne Le Roux-Le Pimpec, Christian Bellec, président des Amis du musée, et de Jean-Marc Michaud, ancien conservateur du musée, se met en quête de plus d’éléments. « On ignorait complètement son existence et il n’avait jamais été montré au public nulle part, ni au cours d’une exposition ni en vente aux enchères, explique Anne Le Roux-Le Pimpec, c’est la réputation du musée qui risquait d’être mise en cause ». Partant de zéro, il apparaît toutefois que les dimensions de l’œuvre sont peu adaptées à un intérieur de particulier, la piste d’un décor d’intérieur commercial se dessine. Grâce à quelques maigres informations recueillies auprès du propriétaire-prêteur et du dernier vendeur, les recherches se dirigent vers une pâtisserie-confiserie Le Bras, de Dinard (35), véritable institution locale depuis la fin du XIXe siècle, très prisée des Anglais en séjour. « Nous savions que Mathurin Méheut était en relation avec la famille Le Bras puisqu’il avait réalisé le décor d’une boîte de chocolat pour eux, raconte Christian Bellec, mais nos recherches auprès des archives municipales de Dinard pour retrouver trace du décor peint dans la pâtisserie sont restées vaines ».

Le décor d’une antenne parisienne de la pâtisserie dinardaise

Coup de théâtre inattendu : le propriétaire et ses sources orientent le comité vers Paris, où, après le décès de ses deux fils et de son époux, Marie Le Bras – aidée dans ses affaires par son neveu Gaston Mongermon – avait ouvert, en 1933, une antenne de son célèbre commerce dinardais. Une seconde pâtisserie, située à l’intérieur même de la gare Saint-Lazare (qui desservait alors la Bretagne au même titre que Montparnasse). « À la suite de l’incendie d’un four, il fallait occuper l’espace le temps de refaire un mur, explique Anne Le Roux-Le Pimpec, d’où la commande du panneau à Mathurin Méheut ». En outre, apparaissent des similitudes graphiques : la présence en bas à gauche du tableau d’une cruche et d’un bol stylisés, proches de ceux visibles dans plusieurs croquis de l’artiste. Mais il en fallait plus, le double M du monogramme de l’artiste étant facilement imitable. C’est finalement dans la correspondance de Mathurin Méheut, conservée au musée de Dinan (il aura fallu éplucher toutes les lettres de l’année 1934) que l’ultime preuve de rendez-vous entre lui et la famille Le Bras-Mongermon apparaît : « À six heures, je vais voir Madame Le Bras à Terminus (actuel Hilton) », et quelques jours plus tard « Mongermon vient à la maison à 11 heures ».

Ce décor peint sera ensuite rapatrié, en 1940, à Dinard, où il restera dans les appartements privés de la famille Le Bras jusqu’en 2016, date à laquelle l’actuel propriétaire l’a acheté, ce qui explique son anonymat total. Désormais répertorié, il est un des chefs-d’œuvre de l’exposition en cours au Faouët. Et le seul vestige de la pâtisserie Le Bras, exception faite de quelques vieilles boîtes de chocolats et des souvenirs d’enfance de l’écrivain Philippe Delerm, qui évoque dans son ouvrage Le Trottoir au soleil (2011), « le petit pudding de la pâtisserie Le Bras sous l’escalier de la gare Saint-Lazare ».

Publié le 7 juillet 2021 par Charles-Henri Raffin – Le Télégramme ©