Trésor ou pas, on tient la faïence en estime (Ouest-France).

Une fois par an, le musée de la Faïence, à Quimper (Finistère) estime les objets apportés par le public. Cette journée d’estimation a lieu le 5 août 2023. Attention, il faut prendre rendez-vous !

Jérémy Varoquier
Jérémy Varoquier, du musée de la Faïence, sera présent samedi 5 août pour la matinée d’estimation.

« Pour nous, c’est Noël avant l’heure ! » sourit Jérémy Varoquier, assistant du conservateur du musée de la Faïence à Quimper. Ce sera le 5 août, de 10 h à 13 h, au musée, dans le quartier de Locmaria. « Comme chaque année, les gens peuvent faire estimer leurs faïences par Bernard Verlingue, expert et conservateur du musée. L’an passé, nous avons eu 60 personnes. Des gens qui viennent d’un peu partout… Une personne de Nantes a pris rendez-vous. »

Il faut effectivement prendre un rendez-vous (au 02 98 90 12 72). Seule modalité : s’acquitter de 5 €, le droit d’entrée au musée. « Les gens déballent en arrivant, nous effectuons un premier prix entre les pièces d’artistes, les pièces courantes comme les services de table.»

« De jolies surprises »

HB, Porquier, Henriot, Keraluc, Fouillen. « En général, les personnes qui possèdent des objets portant ces noms imaginent qu’elles ont en leur possession de très belles pièces. Des pièces héritées ou achetées dans les brocantes, une volonté de changement de déco, une envie de se débarrasser de l’objet que l’on a assez vu et qui prend la poussière. Parfois nous avons de très jolies surprises. »

Comme cette dame qui est venue avec une pièce de Mathurin Méheut dans un sac en plastique de supermarché. Ou cette autre avec un trio de danseurs de Micheau-Vernez. « Quand on a lui parlé d’une estimation à 2 500 €, le trajet du retour était bien plus confortable pour elle ! » ajoute Jérémy Varoquier. Et puis parfois, certains pensent avoir un trésor à proposer. « On nous montre des pièces numérotées. Donc dans les esprits elles doivent être limitées en production alors qu’il s’agit du numéro de décor ou du peinteur. »

Un parcours de la faïence

Si l’expert donne une estimation, libre au propriétaire de garder sa faïence ou de s’en séparer. Bien souvent, les personnes qui veulent vendre sont dirigées vers des salles de vente ou vers le galeriste-expert en la matière Philippe Théallet. « Il arrive que certains regrettent d’avoir cédé des pièces. »

Côté fréquentation, les touristes et amateurs de faïence apprécient le musée. « C’est mieux que l’an passé » qui avait pourtant vu 13 000 personnes visiter les lieux sur les six mois que compte la saison.

Le 12 août, l’association des Amis du musée tiendra son assemblée générale. Une année particulière puisqu’elle fêtera ses 30 ans. Une cartographie en ligne a été lancée en mai dernier pour recenser les faïences de Quimper. « C’est une base de données recensée par les gens. 170 pièces ont ainsi été inventoriées, pour l’instant, de Paris au Grand Ouest. »

Site : www.amis-musee-faience-quimper.fr/index.php/parcours-faiencier/

L’assemblée générale des Amis du musée fera certainement un point sur cette carte interactive. Ce sera également l’occasion d’annoncer la création d’un parcours de la faïencerie à Quimper, au départ de Locmaria, bien évidemment.

Publié le 26/07/2023 par Jean-Marc PINSON – Ouest-France ©

Marjatta, de la Finlande à la faïence de Quimper (Ouest-France).

Marjatta et Jean-Claude Taburet ont écrit une belle histoire de la faïencerie de Quimper.À l’origine, c’est une histoire d’amour, tout simplement. À 92 ans, Marjatta s’en souvient comme si c’était hier.

Marjatta Taburet
Marjatta, 92 ans, dans l’atelier de sa maison à Quimper (Finistère).

À Quimper, non loin des rives du Steir, Marjatta nous ouvre les portes de sa maison. À l’intérieur, c’est le royaume de toute une vie d’artiste. Tableaux, céramiques peintes, ou pas, meubles bretons, photographies. Marjatta nous montre les portes en bois de la salle de bains et d’une chambre. Elle sourit comme une petite fille qui aurait fait une bêtise. C’est elle qui a peint ces fleurs multicolores.

À 92 ans, elle tend ses mains agitées par un tremblement qu’elle ne contrôle pas. « Malheureusement, aujourd’hui je ne peux plus dessiner ou peindre, dit-elle d’une voix chevrotante. Et je ne vois plus très bien… »

La mémoire, elle, brille de mille feux. Ceux de l’enfance surtout. Marjatta (prononcez Maryatta) est née à Helsinki, la capitale de la Finlande, en 1931. Un père absent, un beau-père distant. Une mère qui a refait sa vie, mais que la petite Marjatta dévore de ses yeux ronds. « Elle était belle, je l’adorais. Pour moi, c’était une fée. » Sa mère a déjà eu trois enfants avant Marjatta.

De 4 à 7ans, elle est accueillie chez sa tante en Laponie. « L’hiver était long. La maison de ma tante était une auberge, un magasin-comptoir. J’écoutais beaucoup les gens, il y avait un mélange de population, russe, lapone, finnoise, norvégienne. Et des Anglais venus pour les métaux précieux. Les Russes parlaient fort comme s’ils allaient se battre. Les Français ? (elle rit) Quand ils parlaient, ils ouvraient à peine leur bouche en cul-de-poule ! »

De retour à Helsinki en 1938, les bruits de bottes se font entendre. « Nous avons 3 000 kilomètres de frontière avec la Russie, dont la moitié est inhabitée. Staline avait dit qu’il ne toucherait pas à la Finlande. Quand l’Armée rouge est arrivée, j’étais à l’école, je me souviens que ma maîtresse s’est mise à pleurer, elle était mariée depuis trois mois. »

Orpheline à 9ans, Marjatta a l’âme artistique. Plus tard, après les Beaux-Arts à Helsinki et son apprentissage de décoratrice sur céramique à Arabia, manufacture et faïencerie, Marjatta se rend à Paris pour apprendre le français.

« J’étais avec une amie. En 1950, le soir de Noël, on voulait aller à Notre-Dame voir un concert des Petits chanteurs à la croix de bois. Impossible de rentrer ! On a marché dans les rues désertes jusqu’au quartier Saint-Michel. On a été abordées par deux garçons. L’un était en retrait, maussade. C’était Jean-Claude. Il m’a demandé d’où je venais, je lui ai dit, je ne sais pas pourquoi, de la Lune ! Plus tard, dans un café, il a sorti un calepin et a dessiné mon visage dans un quartier de lune. »

« Nous avions un pacte »

Depuis ce jour de Noël 1950, le couple ne s’est plus jamais quitté. Même le décès de Jean-Claude, il y a dix ans, semble ne pas les avoir séparés. Dans le milieu de la faïence, on ne parle pas de l’un sans l’autre.

« Nous avions une sorte de pacte, se remémore Marjatta. Si l’un de nous avait un avis sur le travail de l’autre, il ne disait rien car un avis pouvait détruire l’image intérieure de la création. Jean-Claude aimait beaucoup sculpter les animaux, surtout les félins. Un jour à la télé, on a regardé un documentaire animalier. Une femelle guépard veillait sur ses trois petits. Jean-Claude a travaillé tard dans la nuit, il a fait cette guéparde en bronze, c’était magnifique. »

Jean-Claude Taburet, né à Château-Gontier (Mayenne), a « fait » comme on dit, les Beaux-Arts à Rennes puis les Arts décoratifs à Paris. En 1956, il s’installe comme artiste libre à la manufacture HB à Quimper. Marjatta, elle aussi diplômée de l’école des Arts décoratifs à Paris, le rejoindra. Ils ne quitteront plus jamais Quimper. En 1984, ils voleront de leurs propres ailes en créant leur atelier.

Les contes des pays nordiques et les légendes celtiques se marient très bien. Le roi Gradlon, roi d’Armorique et de Cornouaille, et Vercingétorix chevauchent ensemble dans l’imaginaire des créateurs. « Ah, Vercingétorix ! Toute petite, j’étais fascinée par cette figure qui défend les Gaulois contre César et les Romains, un peu comme nous les Finnois contre l’URSS. »

Dans ses créations, Marjatta a conservé une fraîcheur quasi enfantine. Elle a souvent peint les îles de Sein et d’Ouessant. Elle aime cette lumière vive qui peut être balayée à tout instant par un charivari nuageux. La mer, même d’huile, est de la couleur du feu. Un flamboyant rouge vermillon. « Dans la famille, on avait un cousin capitaine au long cours, il disait qu’en mer tout peut arriver, la mer est redoutable, d’où cette couleur du danger qui peut surgir… »

Après toutes ces années dans le Finistère, elle ne regrette rien. De la Finlande, « ce qui me manque le plus, c’est la neige. Une année, nous avons eu beaucoup de neige en Bretagne, j’ai même fait du ski dans les monts d’Arrée avec une amie suédoise. »

Le coucou d’une horloge nous rappelle au temps présent. Mais avant de refermer la porte de sa maison, Marjatta a tant à nous dire. Alors, on papote encore un peu. Nul ne peut rester de marbre devant ses trésors de céramique.

Exposition « Marjatta et Jean-Claude Taburet, du légendaire celte à la délicatesse finlandaise », au musée de la Faïence de Quimper (Finistère), jusqu’au 30 septembre.

Publié le 18 mai 2023 par Jean-Marc PINSON – Ouest-France ©


Repères

La nature à l’honneur

Taburet

Ces vases et cruches du service de table Nielle constituent un service de table de Marjetta, quand elle était étudiante aux Arts décoratifs de Paris. Un décor simple et raffiné, floral, qui a surpris la clientèle des faïenceries quimpéroise. Nous sommes en 1956 et ce service est d’une grande modernité. Trop, sans doute, à l’époque.

Vierge à l’enfant

Taburet

Un classique, la Vierge à l’enfant. Terre cuite émaillée réalisée en 1994. Illustration du travail en commun du couple. Jean-Claude l’a façonnée, Marjatta l’a peinte. Bretagne et Finlande réunies. Au revers, un clin d’œil aux faïenciers du XVIIe siècle et cette signature en latin : Pinxit Marjatta Taburet, Fecit Jean-Claude Taburet.

La Tzigane et son bébé

Taburet

Dans le tramway, à Helsinki, Marjatta croise la route d’une Tzigane qui porte son bébé dans un châle. « Quand je suis revenue chez moi, je l’ai modelée avec de la pâte à porcelaine. Le lendemain, ma directrice m’a permis de passer ma pièce à l’émaillage et au feu. Si j’avais pensé à l’époque que cette première pièce serait exposée dans un musée ! »

Des trésors du Seiz Breur refont surface à Quimper (Ouest-France).

Dans le cadre du centenaire du mouvement artistique breton, une vaste campagne d’estimation d’objets se déroule en Bretagne. Jeudi 27 avril 2023, Quimper (Finistère) accueillait la dernière étape. Ambiance.

Sandy Surmely et Bernard Jules Verlingue
Sandy Surmely, commissaire-priseur, et Bernard Jules Verlingue, du musée de la faïence, en pleine expertise, jeudi 27 avril 2023 à Quimper (Finistère).

Jeudi 27 avril 2023. Le petit crachin n’empêche nullement une affluence soudaine à l’ouverture des portes du Musée de la faïence. Des personnes arrivent avec des trésors enveloppés dans du papier bulles, transportés avec précaution dans des cartons et des sacs plastiques.

Bernard-Jules Verlingue, conservateur du musée, examine avec son œil d’expert les objets qu’on lui présente. Cette journée d’estimation est la dernière d’une longue tournée, entamée il y a neuf mois dans toute la Bretagne, dans le cadre du centenaire du Seiz Breur.

Marie Le Bot-Mantran et Gwénaël Le Berre
Marie Le Bot-Mantran, commissaire-priseur et Gwénaël Le Berre qui dévoile ses « trésors ».

Des commissaires-priseurs ont travaillé ensemble. Maître Carole Jézéquel, de Rennes enchères, a réuni autour d’elle Salorges enchères (Nantes, La Baule), représenté par Marie Le Bot-Mantran et Thierry-Lennon (Brest, Lorient) avec Sandy Surmely.

Ces trois maisons de ventes ont ratissé le territoire en vue d’une exposition, du 8 au 13 juillet 2023, au Parlement de Bretagne, à Rennes, et d’une grande vente, le 13 juillet 2023, toujours à Rennes.

Fauteuils de Jeanne Malivel

« Le mouvement n’est pas forcément connu, reconnaît Carole Jézéquel, des personnes peuvent être en possession de statuettes en faïence par exemple, sans connaître le nom de son auteur, savoir que c’est une signature du Seiz Breur. »

Lors des journées d’estimation, les experts ont découvert de belles choses : « Un grand nom, comme René-Yves Creston et ses représentations de Nominoë, ou encore de magnifiques fauteuils de Jeanne Malivel. »

Si l’on parle beaucoup de faïence à Quimper, et c’est normal, il faut rappeler que les artistes du Seiz Breur travaillaient dans toutes les disciplines : sculpture, gravure, textile, typographie, mobilier…

Estimations d’objets du mouvement des Seiz Breur.
Jeudi 27 avril 2023, au musée de la faïence, à Quimper (Finistère), c’était la dernière étape bretonne d’estimations d’objets du mouvement des Seiz Breur.

Maître Jézéquel se félicite de fédérer d’autres maisons de ventes aux enchères autour de ce projet qui va au-delà du simple événement commercial, à l’image, dit-elle « de la fraternité entre artistes du Seiz Breur ». Elle ajoute : « Éveiller la curiosité et sauvegarder le patrimoine, c’est important à nos yeux. »

Même 100 ans après sa création, le Seiz Breur reste résolument moderne et inspirant : « Regardez l’inspiration de Nolwen Faligot et ses tissus, de certains céramistes, et même d’une pochette de disque s’inspirant d’un motif de Creston. »

Du local

Parmi les personnes qui font la queue pour avoir un avis sur leurs « trésors », un couple malheureux présente une belle assiette de la Bretagne libérée datée de 1944 avec une bretonne libre de ses chaînes. Elle est tombée par terre, en arrivant au musée. « Un objet d’intérêt muséal, affirme Tangui Le Lonquer. Une restauration entre 600 et 800 € est méritée. »

Gwénaël Le Berre est venu en connaisseur et en voisin. Avec des objets et des documents comme une photo d’une maquette d’un monument destiné à Penmarc’h conçu par François Bazin. « Mon père était Marc Le Berre, du magasin À la ville d’Ys, sur les quais de l’Odet. »

Tangui Le Lonquer est sollicité par des particuliers. Avoir une idée de la valeur des objets, pas forcément s’en séparer. Quoique.

« Nous avons eu le cas d’une personne, dans le cas d’une succession dont les trois enfants étaient intéressés par une pièce. La personne en question l’a vendue pour partager l’argent de la vente avec ses enfants, c’était plus facile ! »

Pour le spécialiste du Seiz Breur, les personnes connaissent bien l’origine des objets qu’ils possèdent, « avec Internet, on peut se renseigner… »

Un mouvement qui reste actuel. Au niveau artistique. Mais pas uniquement. « Dans le mouvement sociétal actuel d’écologie, de consommation locale, les artistes du Seiz étaient des artistes locaux, tout comme leurs réseaux de diffusion et de production. »

Publié le 27/04/2023 par Jean-Marc PINSON – Ouest-France ©

Galeriste à Quimper, Philippe Théallet porte un regard d’expérience sur la faïence (Ouest-France).

Philippe Théallet, galeriste à Quimper (Finistère), est un spécialiste de la faïence, de son histoire et de sa diffusion. Rencontre avec un passionné.

Philippe Théallet
Philippe Théallet, galériste à Quimper (Finistère) et spécialiste de la faïence.

Dans la petite rue Sainte-Catherine, à Quimper, à l’ombre de l’imposante préfecture, cela fait déjà quatorze ans que Philippe Théallet a ouvert sa galerie. En vitrine, des faïences (de Quimper, bien entendu), des gravures et des peintures d’artistes finistériens, toujours en activité ou faisant désormais partie d’un chapitre de l’histoire de l’art.

Justement, l’histoire de l’art l’a conduit à sa passion. « Pour moi, l’histoire et l’histoire de l’art son intimement liées », explique ce natif de Fougères (Ille-et-Vilaine), qui a grandi à Brest.

À Rennes, il obtient un diplôme d’études approfondies (DEA) dans ce domaine. Denise Delouche, alors enseignante et grande spécialiste de Mathurin Méheut, notamment, l’oriente vers la faïence de Quimper. Son sujet de mémoire sera consacré « à son chouchou », précise-t-il, Paul Fouillen (1899-1958).

Galerie Théallet
au premier plan, des sonneurs de pontivy, de robert micheau-vernez, sur la gauche « gradlon, fuite en egypte » de daniel gouzien.

« Des collectionneurs aux États-Unis »

Dans le milieu professionnel, Philippe Théallet est à bonne école en travaillant au musée de Pont-Aven, puis en tant qu’assistant de Bernard Verlingue au Musée de la faïence à Quimper.

Une faïence qui ne le quitte plus. Décorative ou utile, elle a traversé le temps. Et s’est exportée. Comme à New York, après la Première Guerre mondiale. Les Américains qui se sont battus sur notre sol ont ramené au pays quelques souvenirs.

« C’est vrai qu’il y a des collectionneurs aux États-Unis. » Un marché américain qui a fait flamber les prix, avant de s’éteindre petit à petit. « Le savoir-faire de Quimper a été exporté dans toutes les régions de France, souligne le galeriste, par ailleurs président de l’Association des amis du Musée départemental breton et membre du conseil d’administration de l’association des Amis du Musée et de la faïence de Quimper. Il faut noter une grosse production pour les grands magasins de Paris. »

Galerie Théallet
détail d’une des vitrines de la galerie, avec une belle collection de personnages bretons.

Mais la traditionnelle signature et la provenance des pièces étaient gommées. « Cela faisait sans doute plouc », indique le galeriste, en haussant les sourcils. Si elle a connu son heure de gloire, la faïencerie est tombée en désuétude. Comme la manufacture Keraluc et ses fameux grès, au top dans les années 1950 et 1960 mais « dépassée » par la production industrielle de vaisselle. La faïence a été jugée ringarde, trop estampillée bretonne. « À la fin des années 1960 et au début des années 1970, la concurrence portugaise, de fabrication moins chère, a précipité sa chute, mais le coup de grâce est venu de la production asiatique. Et les goûts ont évolué avec la société, les gens voulaient sans doute moins d’objets connotés Bretagne. »

Mais de jeunes générations s’en sont de nouveau entichées. Le regain d’intérêt autour du mouvement d’entre-deux-guerres des Seiz Breur (les Sept frères en breton) et le travail de Renée Yves Creston par exemple, ont favorisé son retour de l’oubli.

Les faïenceries font appel à des artistes, des designers et des créateurs pour donner un aspect plus contemporain. Comme au temps des grands noms de la grande époque, de René Quillivic, dans les années 1920, pour HB, à Mathurin Méheut pour Henriot. « Très connu à l’époque, qui jouait un peu le rôle de rabatteur d’artistes dans les salons parisiens. »

Intarissable sur le sujet, Philippe Théallet s’interrompt deux minutes. Un monsieur, un habitué, arrivé avec une faïence et sa gangue de papier bulle. Il s’agit d’un pichet Henriot. Les deux vont faire affaire…

Publié le 26 avril 2023 par Jean-Marc PINSON – Ouest-France ©


Faïence, gravure, peinture : « Tout est lié », explique ce passionné à Quimper

Dans sa galerie quimpéroise, Philippe Théallet n’expose pas seulement des faïences. Graveurs et peintres sont à l’honneur.

Olivier Lapicque
Un hommage au musée de la faïence avec une gravure d’Olivier Lapicque. Un hommage au musée de la faïence avec une gravure d’Olivier Lapicque.

« Les artistes qui ont travaillé dans la faïence sont tous polyvalents, souligne Philippe Théallet, spécialiste de la question, qui tient une galerie à Quimper. D’une certaine façon, pour créer, ils étaient obligés de s’intéresser à tous les arts, comme l’on fait les artistes du Seiz Breur (les Sept frères en breton). »

Ce féru d’histoire n’est pas pour autant bloqué sur le passé. Au con-traire. Le galeriste se fait passeur avec des artistes contemporains.

C’est le cas de Valérie Le Roux, céramiste à Concarneau, désormais bien installée et qui décline son uni-vers graphique sur bien des supports. « J’ai découvert son travail quand elle sortait des Beaux-Arts, elle n’était pas du tout connue. »

Autre artiste basé à Concarneau, Olivier Lapicque, graveur, qui travaille la céramique et la gravure et le collage avec, notamment, des capsules de bouteilles de vin. Et, « comme tout est lié », dit le galeriste, rappelons qu’Olivier Lapicque est le petit-fils d’un Seiz Breur, Gaston Sébilleau.

Le Douarneniste Paul Moal, qui aime aussi intégrer des collages dans ses peintures, a réalisé une belle série de pêcheurs pour Henriot et travaillé pour la Faïencerie d’art breton. Le regretté René Quéré, décédé il y a moins de deux ans, avait collaboré avec Keraluc.

Philippe Théallet les expose. Et bien d’autres. Difficile de parler de tout le monde mais notons le travail remarquable en gravure de Dominique Le Page, et ses arbres magnifiques, ou encore de Marianne Le Fur, et ses vagues qui n’en finissent pas de rouler sur le papier. Le galeriste, encore une fois dans l’optique de toucher le plus grand nombre comme le souhaitaient les membres du Seiz Breur, met ainsi à portée de toutes les bourses (ou presque) une œuvre d’art par le biais de gravures. Mais attention, si vous commencez, la collectionnite aiguë vous guette !

Jean-Marc PINSON

La céramique fine et colorée de la basque Maiana Mendiharat (Ouest-France).

Samedi 3 et dimanche 4 septembre 2022, une trentaine de céramistes vont exposer leurs créations place du Stivel, à Quimper. Le travail de Maiana Mendiharat nous a tapé dans l’œil. Explications avec l’artisane-artiste.

Maiana Mendiharat
Maiana Mendiharat, une jeune céramiste de talent.

Entretien avec Maiana Mendiharat, céramiste à Hendaye présente au festival de céramique, samedi 3 et dimanche 4 septembre 2022.

Comment êtes-vous venue à la céramique ?

Pendant mes études à la fac d’anglais, j’ai passé un été dans une poterie écossaise et c’est là que j’ai découvert, pour la première fois, le travail de la terre. Une fois ma licence en poche, j’ai décidé de refaire un cursus et c’est comme ça que je me suis retrouvée dans une École des beaux-arts anglaise, en Cornouailles, où j’ai passé trois années pour obtenir l’équivalent d’une licence.

Mon goût pour la céramique me vient sans aucun doute de ma mère qui aimait beaucoup ça et en achetait, entre autres au potier de mon village natal qui faisait des pièces utilitaires qu’on adorait. Ayant vu toute ma vie mon père travailler dans un atelier, il n’y avait plus qu’à réunir les deux passions !

Maiana Mendiharat
Grand bol. Une réalisation de Maiana Mendiharat.

Le/la céramiste, artisan ou artiste ?

Cette distinction entre artiste et artisan ne se pose pas dans toutes les cultures. C’est à chacun de se définir comme il le souhaite. Pour ma part, je me considère comme une artisane, car je travaille sur de la petite série. Ceux qui se définissent comme artistes créent souvent des pièces uniques et sculpturales. Ce n’est pas une règle et je considère que les bols de certains céramistes sont de véritables œuvres d’art.

Parlez-nous de A Dream in a Hat…

A Dream in a Hat est né en 2011, à mon retour d’Angleterre. À l’époque, vu mes affinités avec ce pays, j’ai choisi ce nom de marque qui est l’anagramme de mon nom basque. J’ai dû tout reprendre à zéro car huit années s’étaient écoulées depuis l’obtention de mon diplôme et j’ai décidé de me lancer dans l’utilitaire afin de pouvoir le commercialiser.

J’ai choisi la technique de coulage de porcelaine : je fabrique des moules en plâtre et les pièces sont faites dans le moule par une succession de coulages de porcelaines colorées. Je vends mes pièces dans les boutiques et sur les marchés potiers à travers toute la France. Mon atelier est situé à Hendaye dans le Pays basque.

Maiana Mendiharat
Une impression de douceur se dégage des créations de Maiana.

Vous créations sont aériennes, colorées, elles tranchent avec l’aspect « brut » d’autres céramistes, d’où vient l’inspiration ?

Beaucoup voient dans mes pièces des paysages. Ce n’est pas une influence consciente mais je suppose que mon enfance passée au Pays basque y est pour quelque chose. Ce qui m’intéresse c’est le travail de la couleur et la recherche d’harmonie au moment de choisir les quatre ou cinq couleurs qui composeront une pièce. La finesse des pièces est liée à la technique décrite. Moins vous laissez la terre dans le moule, plus la pièce sera fine. Je laisse l’extérieur mat, car je trouve que cela rajoute de la douceur à la pièce.

Une tasse, une assiette, l’objet est-il toujours utilitaire ou ne devient-il pas décoratif ?

Je tiens beaucoup à l’aspect utilitaire de mes pièces. Elles sont pensées pour être utilisées et, pour moi, une pièce ne prend véritablement vie que lorsque l’on s’en sert. Je sais le plaisir que j’éprouve à manger dans une assiette ou boire dans un bol d’un collègue céramiste, j’espère faire éprouver le même plaisir à mes clients !

Vivez-vous de votre passion ?

Oui, c’est mon métier à plein temps et j’en vis. Tous les mois ne se ressemblent pas mais, au final, je m’en sors !

Une création Maiana Mendiharat est-elle à la portée de toutes les bourses ?

Tout à fait. Les prix vont de 18 € pour une tasse à expresso à 60 € pour un saladier.

Samedi 3 et dimanche 4 septembre 2022, de 10 h à 19 h, place du Stivel à Quimper (Finistère).

Publié le 2 septembre 2022 par Jean-Marc PINSON – Ouest-France ©