Les nouvelles publications sur le mouvement des Seiz Breur.

Les éditions Locus Solus publient de nouveaux ouvrages à l’occasion des célébrations du centenaire de la création du mouvement « Ar Seiz Breur ».
Un livre de Françoise Le Goaziou sur Jeanne Malivel à Paris est disponible aux éditions ASIA, avec la collaboration de l’association des Amis de l’artiste.
Nous vous proposons un tour d’horizon de ces livres.


De Paris à la Bretagne, une météore dans le ciel des arts décoratifs.
Artiste novatrice, maîtresse dans la gravure et le design, l’apport de Jeanne Malivel (1895-1926) aux divers domaines où elle s’est illustrée frappe par son importance, au regard de sa courte vie.
Dans l’entre-deux-guerres, et plus encore aujourd’hui au fil des redécouvertes de son œuvre, le nom de Malivel se transmet comme un talisman, avec une certaine dose de fascination. En spécialiste, Olivier Levasseur revient ici sur ses années parisiennes puis bretonnes, à l’appui de multiples sources. Ses réalisations, de l’esquisse à l’œuvre, témoignent d’un souffle créatif et engagé, notamment aux côtés des « Seiz Breur », avant-garde bretonne qu’elle a co-fondée il y a tout juste un siècle, en 1923.

Jeanne Malivel Une artiste engagée

Jeanne Malivel Une artiste engagée
Olivier Levasseur
18 x 22 cm – 192 pages – ISBN : 978-2-36833-419-5
éditions Locus Solus – Mars 2023 – 27 €


Suzanne Candré-Creston (1899-1979) sort enfin de l’ombre grâce à cette première monographie.
Dans l’entre-deux-guerres, son apport aux arts décoratifs n’est pourtant pas négligeable, au sein de l’avant-garde bretonne des « Seiz Breur » qu’elle co-fonde. Ses motifs pour la faïence, la broderie, le textile… sont influencés par les styles les plus modernistes de son temps.

Suzanne Candré-Creston - À la source des Seiz Breur

Suzanne Candré-Creston – À la source des Seiz Breur
Pascal Aumasson
16 x 24 cm – 48 pages – ISBN : 978-2-36833-420-1
éditions Locus Solus – Mars 2023 – 12.90 €


Jeanne Malivel (1895-1926) a choisi la Bretagne et le « destin breton », mais c’est à Paris que se fait une partie importante de sa formation. C’est à Paris qu’elle conquiert sa liberté d’artiste et trouve la genèse de l’extrême richesse de son œuvre, cette volonté d’allier les héritages de l’art breton et la modernité que va guider ses pas tout au long de sa brève mais féconde existence.

Jeanne Malivel à Paris

Jeanne Malivel à Paris
Françoise le Goaziou
21 x 29,7 cm – 78 pages – ISBN : 978-2918202-38-7
Association des Amis de Jeanne Malivel & ASIA éditeur (André Soubigou Impression d’Arts) – Février 2023 – 20 €


Le mouvement Seiz Breur a fasciné bien au-delà du petit quart de siècle où il a été actif dans les arts appliqués et décoratifs en Bretagne. L’amitié de Jeanne Malivel, de René-Yves et Suzanne Creston, de Georges Robin et quelques autres provoque la fièvre créatrice d’une nouvelle conscience artistique. Les « Sept Frères » ne sont pourtant d’aucune école et les styles de ses dizaines de membres jusqu’après la guerre, des ébénistes aux architectes, reflètent leur diversité. Pascal Aumasson porte sur eux un regard neuf, illustré de plus de 220 documents, nourri de recherches inédites, élargi aux enjeux de l’art moderne.

SEIZ BREUR - Pour un art moderne en Bretagne

SEIZ BREUR – Pour un art moderne en Bretagne
Pascal Aumasson
18 x 22 cm – 192 pages – ISBN : 978-2-36833-418-8
éditions Locus Solus – Mars 2023 (nouvelle édition) – 27 €

2023 – Locus Solus © – Association des Amis de Jeanne Malivel & Asia éditeur ©

Jeanne Malivel, pionnière de l’art moderne breton (Ouest-France).

À Paris, la bibliothèque Forney, spécialisée dans les arts décoratifs et les métiers d’art, consacre une exposition à l’œuvre de Jeanne Malivel (1895-1926), à l’origine du groupe Ar Seiz Breur.

Lucile Trunel
Lucile Trunel, directrice de la bibliothèque Forney, à Paris, où une exposition permettra de redécouvrir l’œuvre de l’artiste bretonne Jeanne Malivel à partir du mercredi 8 mars

Mise en lumière, installation des derniers meubles… Cette semaine, les équipes de la bibliothèque Forney, à Paris, s’activaient afin de terminer à temps le montage de l’exposition Jeanne Malivel, une artiste engagée, qui sera inaugurée mercredi 8 mars. La journée internationale des droits des femmes n’a pas été choisie par hasard pour cette rétrospective.
Tombée dans l’oubli pendant plusieurs décennies, l’œuvre de Jeanne Malivel est pourtant considérable : peinture, mobilier, céramique, vitrail, textile, gravure… Pionnière de l’art moderne breton, elle a joué un rôle clef dans la création du groupe Ar Seiz Breur, symbole de la naissance du mouvement Art déco en Bretagne.

Jeanne Malivel
Jeanne Malivel fut une graveuse de grand talent.

250 œuvres exposées

« Cette exposition, c’est une manière de la faire redécouvrir », résume Lucile Trunel, directrice de la bibliothèque Forney, spécialisée dans les arts décoratifs et les métiers d’art.
Installée depuis 1961 dans le quartier du Marais, la bibliothèque a été fondée faubourg Saint-Antoine, à la fin du XIXe siècle. « Elle a longtemps été un lieu populaire, fréquenté par des artisans mais aussi par les artistes et leurs élèves, dont Jeanne Malivel. »
La jeune femme a, en effet, été reçue à deux reprises aux Beaux-Arts de Paris. Elle y restera peu de temps, ne supportant pas l’académisme de l’enseignement. « Nous avons retrouvé sa signature dans les registres d’inscription, ainsi que le titre du premier livre qu’elle est venue consulter : un traité de gravure sur bois du XVIIIe siècle. »

Jeanne Malivel
Des croquis de poilus réalisés par Jeanne Malivel. L’artiste s’est engagée comme infirmière pendant la Première Guerre mondiale.

Au fil des trois salles d’exposition, le visiteur découvrira les étapes de la vie de Jeanne Malivel. Sa jeunesse, passée à Loudéac, où elle s’engagera comme infirmière pendant la Première Guerre mondiale. Un rôle qui lui permettra de réaliser de nombreux croquis de poilus et qui la marquera profondément.
« Très tôt, elle est habitée par un sens tragique, qui contraste dans sa production joyeuse, colorée, aux motifs rayonnants », remarque la commissaire de l’exposition, qui est parvenue à réunir plus de 250 œuvres prêtées par la famille de Jeanne Malivel, ainsi que par les musées de Quimper, Saint-Brieuc et Rennes.
Un extrait du documentaire inédit Jeanne Malivel, un soleil se lève, signé par la réalisatrice Laurence-Pauline Boileau, sera également diffusé.

Jeanne Malivel
Jeanne Malivel a joué un rôle clef dans la création du groupe Ar Seiz Breur, précurseur de l’art moderne breton.

« Mettre du beau dans l’utile »

Toute sa vie, cette artiste engagée tiendra à travailler avec des artisans du Centre-Bretagne et ouvrira même un atelier de tissage pour les jeunes femmes de Loudéac.
Devenue enseignante de gravure sur bois et de broderie aux Beaux-Arts de Rennes, elle continuera de concevoir et de dessiner des objets du quotidien jusqu’à son décès brutal en 1926, à l’âge de 31 ans. « Elle a toujours voulu mettre du beau dans l’utile, revisiter la tradition en créant quelque chose de moderne et de breton. »

Exposition Jeanne Malivel, une artiste engagée : du 8 mars au 1er juillet 2023, à la bibliothèque Forney, 1, rue du Figuier, Paris 4e. Du mardi au samedi, de 13 hà19 h. Visite commentée chaque samedi à 15 h. Entrée libre.

Publié le 5 mars 2023 par Pauline BOURDET – Ouest-France ©

Jeanne Malivel à la Bibliothèque Forney – Hôtel de Sens.

Cinq ans après l’exposition du Musée de la Faïence de Quimper, le travail de Jeanne Malivel (1895-1926) est présentée par la Bibliothèque Forney à Paris.

Jeanne Malivel, affiche

250 œuvres ont été réunies de la fondatrice du groupe des Seiz Breur, par la bibliothèque des métiers d’art et des arts graphiques.
de la Ville de Paris.

Jeanne Malivel, assiette
Assiette à décor géométrique, 1925, faïence, Manufacture Henriot, Quimper

Le commissariat de l’exposition est assuré par Coline Malivel et Lucile Trunel (directrice de la bibilithèque Forney).
Un colloque organisé par l’association des Amis de Jeanne Malivel se tiendra à l’Institut national d’histoire de l’art (2 rue Vivienne 75002 Paris), le 15 avril 2023.

Bande annonce :

Deux ouvrages sont édités pour l’occasion :

  • Jeanne Malivel à Paris par Françoise Le Goaziou (éditions association des amis de Jeanne Malivel) ;
  • Jeanne Malivel, une artiste engagée par Olivier Levasseur (éditions Locus Solus).

Les deux auteurs seront en conférence à bibliothèque Forney respectivement, le mercredi 22 mars à 19 h et mercredi 19 avril à 19 h.

Des extraits du documentaire de Laurence-Pauline Boileau : « Jeanne Malivel, un soleil se lève » seront projetés dans la dernière salle de l’exposition.

Une bande-son de l’exposition a été conçue par la Médiathèque Musicale de Paris à partir de leurs collections. Vous pouvez l’écouter ici :

Pour plus d’informations, vous pouvez consulter le site internet de l’institution :

Jeanne Malivel, arbre
Le Vieil arbre, gravure sur bois, 1922

Jeanne Malivel, une artiste engagée
du mercredi 8 mars au samedi 1er juillet 2023 de 13h à 19h (entrée libre)
1 Rue du Figuier, 75004 Paris

Amis du Musée et de la Faïence de Quimper ©

Livres parus en 2022 – Porquier-Beau, ville de Quimper et Géo-Fourrier.

Nous vous présentons quelques ouvrages publiés ces derniers mois. Ils ont tous pour point commun de valoriser le travail des manufactures quimpéroises.


Porquier-Beau – le roman familial des faïenciers bretons (Christiane Massonnet)

À l’occasion de la grande exposition inaugurée en avril 2022 des Merveilles de la faïencerie Porquier-Beau au Musée de la Faïence de Quimper, Christiane Massonnet nous présente un essai mémoriel passionnant sur les faïenciers Porquier, famille de la mère de son époux.
À travers ses souvenirs personnels de Tante Odette Porquier, dans sa vieille maison de Locmaria au jardin paradisiaque, l’histoire des faïenciers de la Rue Basse, devenue Rue Jean-Baptiste Bousquet, se déroule, vivante, à travers deux siècles foisonnants.
Historienne de l’art et plasticienne, c’est de l’intérieur que l’autrice évoque Alfred Beau, ce génial artiste touche-à-tout qui a mené au sommet l’art de la faïence. Elle sait mettre de la chair à cette évocation agrémentée de nombreuses illustrations.

Porquier-Beau - Christiane Massonnet
Porquier-Beau – le roman familial des faïenciers bretons (Christiane Massonnet)

Porquier-Beau – le roman familial des faïenciers bretons
Christiane Massonnet
éditions Le Pontille – 74 pages
ISBN : 978-2-9566402-3-3 – tarif 17 € – Paru en 2022.


Quimper – Histoire et Patrimoine (Jean-Yves Le Lan)

Irrésistible, éblouissante, culturelle, autant de qualificatifs qui désignent à la perfection la capitale de la Cornouaille. Implanté au confluent de quatre rivières, Quimper n’est pas une ville de passage mais une ville où l’on vient. Labellisée Ville d’art et d’histoire, la cité présente un patrimoine architectural d’exception. De la cathédrale Saint-Corentin aux demeures des XVIe et XVIIe siècles qui côtoient les remparts, l’histoire est ici à portée de regard. Témoignage d’un savoir-faire ancestral, les maisons à pans de bois font la fierté des habitants. En sortant de la ville close, rejoignez les quais de l’Odet et, plus particulièrement, le quartier de Locmaria, là où sont installées depuis le XVIIIe siècle les fameuses faïenceries. Son église romane, son prieuré et son jardin, son musée valent le détour. Vous faire découvrir la ville de Quimper à travers des flâneries, tel est le but que s’est fixé Jean-Yves Le Lan dans son nouvel ouvrage. Pour chaque promenade, il met en avant les points d’intérêts historiques et culturels visibles sur le parcours.

Quimper - Jean-Yves Le Lan
Quimper – Histoire et Patrimoine (Jean-Yves Le Lan)

Quimper – Histoire et Patrimoine
Jean-Yves Le Lan
éditions Sutton – Relié – format : 21 x 27 cm – 176 pages
ISBN : 978-2-8138-1454-8 – tarif 25 € – Paru le 17 mars 2022


Géo-Fourrier – Voyageur et Maître des Arts Décoratifs (Lucile Trunel)

Réalisé dans le cadre d’une exposition à la bibliothèque Forney de la ville de Paris au printemps 2022, ASIA Editeur a conçu en collaboration, et édité ce livre de 160 pages.
Il retrace la vie et l’œuvre de Geo-Fourrier, de la découverte des Arts du Japon, par les Arts décoratifs, ses différents voyages, ses magnifiques pochoirs, jusqu’à ses créations publicitaires, ou ses céramiques.
De nombreuses illustrations de son magnifique travail accompagnent de riches textes.

Géo-Fourrier - Lucile Trunel
Géo-Fourrier – Voyageur et Maître des Arts Décoratifs (Lucile Trunel)

Géo-Fourrier – Voyageur et Maître des Arts Décoratifs
Lucile Trunel
éditions ASIA (André Soubigou)
ISBN : 978-2-918202-36-3 – tarif 30 € – Paru en février 2022.

Publié le 16 avril 2022

En 1922, le « peintre aveugle » triomphe à Paris (Ouest-France).

Jean-Julien Lemordant
Jean-Julien Lemordant avait un sens inné de la mise en scène. Prisonnier du personnage de « peintre aveugle » qu’il s’était créé, il a mystifié ses admirateurs pendant des années. On le voit ici entrer au Trocadéro où il assistera à son triomphe en 1922, dans la gigantesque salle de spectacle du palais néo byzantin. En bas, étude pour le plafond du théâtre de Rennes.

En mars 1922, le grand artiste et héros de guerre breton, Jean-Julien Lemordant, assiste à son apothéose, au palais du Trocadéro. Acclamé, le « peintre aveugle » ne dit rien de son troublant secret…

Dimanche 12 mars 1922, Paris. Sous le regard des passants intrigués, un interminable ballet d’automobiles anime les abords du palais du Trocadéro. À l’intérieur, les gradins sont déjà bondés. Les loges et les tribunes pleines à craquer. Combien sont-ils ? 4 500. Peut-être plus.

Palais du trocadéro
c’est au palais du trocadéro que jean-julien Lemordant a donné la conférence de son apothéose, le 12 mars 1922, il y a cent ans. cette photographie d’époque montre le bâtiment malheureusement démantelé en 1935.

La gigantesque salle néobyzantine bourdonne d’officiers et d’officiels, scintillants de médailles et de montres en argent, au milieu de la multitude endimanchée. Il y a là le ministre des Travaux publics, Yves Le Trocquer, les académiciens Maurice Barrès et Jean Richepin, la duchesse de Rohan, l’ancien président de la République Paul Deschanel…
Il est 15 h. Soutenu par un ami, Jean-Julien Lemordant vient d’apparaître sur la scène et clopine jusqu’à une chaise longue. « Vive Lemordant ! » « Vive la Bretagne ! » « Vive la France ! ». Le « peintre aveugle » aux lunettes noires, l’héroïque combattant, huit fois percé au champ d’honneur, est là !

Palais du trocadéro
c’est dans la gigantesque salle du palais du trocadéro, haute de 31 mètres, que jean-julien lemordant a connu son plus grand moment de gloire, le 12 mars 1922. photographie d’époque.

« La Bretagne est ici, venue de partout »

Dans la « cathédrale républicaine » du Trocadéro, l’artiste de 44 ans savoure sa béatification laïque. Bienheureux le peintre martyr qui, sacrifice suprême, a perdu la vue par amour pour son pays. « Vive Lemordant ! »
Gaston Duveau prend la parole.« Lemordant, c’est devant la Bretagne que je parle. Elle est ici représentée par les hautes personnalités qui nous entourent, représentée aussi par ces associations accourues avec tant d’empressement à notre appel et dont l’affectueuse solidarité – qui vient de s’exprimer sur la tombe du Soldat inconnu – s’affirme aujourd’hui devant vous. Elle est ici. Venue partout. »
Le président des Enfants d’Ille-et-Vilaine enchaîne avec un portrait l’artiste dont il souligne la justesse du crayon et la vigueur des coups de pinceaux. Il raconte, tour à tour, la fabuleuse histoire du petit orphelin de Saint-Malo sans le sou du pensionnaire de l’École des Beaux-Arts de Rennes puis de Paris, du jeune appelé plein de fougue, du génial décorateur, du militant de la cause bretonne, de l’artiste humaniste qui a peint « l’âpre et sublime nature de Bretagne, les gens et les choses de la mer ».

Jean-Julien Lemordant
jean-julien lemordant après la guerre. l’artiste avait un très grand sens de la mise en scène.

Embrassades, accolades, sérénades

Artiste doué d’un immense talent, considéré, à l’époque, comme « le plus grand peintre de la Bretagne », Lemordant a produit une œuvre à la fois poétique et flamboyante dont l’un des plus fameux exemples est le plafond du théâtre de Rennes. Sa chapelle Sixtine ! « Il a peint des œuvres extraordinaires, souligne André Cariou, ancien directeur du musée des Beaux-Arts de Quimper, auteur, en 2006, d’un important ouvrage sur Jean-Julien Lemordant. Ses couleurs très vives se détachaient de l’art académique. Il est devenu très célèbre en 1908-1908 avec le grand décor de l’Hôtel de l’Épée de Quimper (1). »
Suivent les mots et le baiser de l’écrivain breton Charles Le Goffic, l’accolade du représentant de l’École des Beaux-Arts et le panégyrique de monsieur Guérault, président honoraire des Enfants d’Ille-et-Vilaine.
Et re- « Bravo ! » re- « Vive Lemordant ! » Voyez ces jolies Bretonne en costumes du pays qui le couvrent de fleurs ! Quel triomphe ! La salle chavire puis se tait tout net.

Jean-Julien Lemordant
étude pour le plafond du théâtre de rennes.

Lemordant, « bête de scène »

Lemordant va parler. Face à la foule, le héraut bleu horizon des « gueules cassées » ne tremble pas. Il a l’habitude des conférences sa parole est sûre. Son ton, bien réglé. Ses gestes calculés. Et, sans surprise, c’est sur un vibrant hommage à sa chère et lumineuse Bretagne qu’il commence son discours.
Puis, vient l’émouvant récit de « l’odyssée du 10e corps ». Au fil des conférences, l’histoire s’est un peu enrichie de nouvelles blessures et d’épisodes inédits, mais son fond est tout ce qu’il y a de plus vrai.

Jean-Julien Lemordant
le livre d’andré Cariou paru en 2006 est aujourd’hui épuisé. © édition palantines

Oui, Lemordant est un authentique héros de guerre. Oui, son engagement et son courage sont exemplaires. Oui, il a énormément souffert dans sa chair… « Il avait notamment reçu une balle au-dessus d’un œil qui avait pulvérisé toute la boîte crânienne à cet endroit-là, explique André Cariou. Il y a eu des versions extraordinaires de cette affaire. On a dit que ses yeux étaient sortis des orbites, quasiment tombés par terre, et qu’il les aurait remis en place lui-même. »

Jean-Julien Lemordant
jean-julien Lemordant après la guerre. blessé au genou, à la main, à la tête…

Témoin de son apothéose !

Les spectateurs du Trocadéro qui, en ce moment même, boivent les paroles du conférencier ne se doutent pas une seconde que le « peintre aveugle »… les voit ! « En fait, il n’a pratiquement jamais perdu la vue, reprend André Cariou. Il y a eu des moments, entre les opérations, où il voyait moins bien. Mais c’est tout. »
Pourtant habitué aux huiles de Paname et aux ors de la République, Henry Coutant, le journaliste parisien de L’Ouest-Eclair (l’ancêtre de Ouest-France), n’en revient pas. « Un homme vient d’assister vivant à son apothéose », écrit-il, tout chose.
Mais il y a autre chose que le public ignora. Puisque l’artiste voit en cachette, rien ne lui interdit d’enrichir son catalogue. Le tout étant de faire passer ces œuvres nouvelles pour des compositions d’avant-Grande-Guerre. « Il va commettre des erreurs invraisemblables, reprend André Cariou, amusé. Sur certains de ses dessins de guerre, par exemple, les soldats de 1914 portent des uniformes qui ne sont apparus que plus tard. »

Jean-Julien Lemordant
la presse américaine va suivre de près la tournée de jean-julien Lemordant aux États-Unis en 1919.

Lemordant ou la rage de vivre

« Lemordant a dû se débrouiller tout seul très tôt, conclut André Cariou. Il avait le sens de la survie dans l’adversité. Adolescent, c’était déjà un sacré débrouillard. »
C’est cette formidable volonté qui a permis à l’orphelin de Saint-Malo de devenir le riche et influent artiste parisien, un rien mythomane, ami des plus grands. C’est elle aussi qui lui a donné la force de survivre à la guerre et aux blessures civiles (Lemordant a été renversé par une voiture dans les années 1930) pour ne mourir que le 11 juin 1968, à l’âge de 89 ans.

Jean-Julien Lemordant
Ouest-France du 20 juin 1968. © Ouest-France

(1) Décor acquis par la Ville des Quimper et reconstitué au musée des Beaux-Arts.

Publié le 26 mars 2022 par Olivier RENAULT – Ouest-France ©