Une petite séance de rattrapage pour les rares amateurs qui n’auraient pas visité l’exposition « Marjatta & Jean-Claude Taburet, du légendaire celte à la délicatesse finlandaise », au Musée de la Faïence de Quimper, cette année. Nous vous proposons une vidéo qui synthétise le parcours de cette exposition. Si vous n’avez pas pu vous y rendre, vous pouvez toujours vous procurer le catalogue de l’exposition, publié par notre association ! (lien)
Marjatta et Jean-Claude Taburet ont écrit une belle histoire de la faïencerie de Quimper.À l’origine, c’est une histoire d’amour, tout simplement. À 92 ans, Marjatta s’en souvient comme si c’était hier.
À Quimper, non loin des rives du Steir, Marjatta nous ouvre les portes de sa maison. À l’intérieur, c’est le royaume de toute une vie d’artiste. Tableaux, céramiques peintes, ou pas, meubles bretons, photographies. Marjatta nous montre les portes en bois de la salle de bains et d’une chambre. Elle sourit comme une petite fille qui aurait fait une bêtise. C’est elle qui a peint ces fleurs multicolores.
À 92 ans, elle tend ses mains agitées par un tremblement qu’elle ne contrôle pas. « Malheureusement, aujourd’hui je ne peux plus dessiner ou peindre, dit-elle d’une voix chevrotante. Et je ne vois plus très bien… »
La mémoire, elle, brille de mille feux. Ceux de l’enfance surtout. Marjatta (prononcez Maryatta) est née à Helsinki, la capitale de la Finlande, en 1931. Un père absent, un beau-père distant. Une mère qui a refait sa vie, mais que la petite Marjatta dévore de ses yeux ronds. « Elle était belle, je l’adorais. Pour moi, c’était une fée. » Sa mère a déjà eu trois enfants avant Marjatta.
De 4 à 7ans, elle est accueillie chez sa tante en Laponie. « L’hiver était long. La maison de ma tante était une auberge, un magasin-comptoir. J’écoutais beaucoup les gens, il y avait un mélange de population, russe, lapone, finnoise, norvégienne. Et des Anglais venus pour les métaux précieux. Les Russes parlaient fort comme s’ils allaient se battre. Les Français ? (elle rit) Quand ils parlaient, ils ouvraient à peine leur bouche en cul-de-poule ! »
De retour à Helsinki en 1938, les bruits de bottes se font entendre. « Nous avons 3 000 kilomètres de frontière avec la Russie, dont la moitié est inhabitée. Staline avait dit qu’il ne toucherait pas à la Finlande. Quand l’Armée rouge est arrivée, j’étais à l’école, je me souviens que ma maîtresse s’est mise à pleurer, elle était mariée depuis trois mois. »
Orpheline à 9ans, Marjatta a l’âme artistique. Plus tard, après les Beaux-Arts à Helsinki et son apprentissage de décoratrice sur céramique à Arabia, manufacture et faïencerie, Marjatta se rend à Paris pour apprendre le français.
« J’étais avec une amie. En 1950, le soir de Noël, on voulait aller à Notre-Dame voir un concert des Petits chanteurs à la croix de bois. Impossible de rentrer ! On a marché dans les rues désertes jusqu’au quartier Saint-Michel. On a été abordées par deux garçons. L’un était en retrait, maussade. C’était Jean-Claude. Il m’a demandé d’où je venais, je lui ai dit, je ne sais pas pourquoi, de la Lune ! Plus tard, dans un café, il a sorti un calepin et a dessiné mon visage dans un quartier de lune. »
« Nous avions un pacte »
Depuis ce jour de Noël 1950, le couple ne s’est plus jamais quitté. Même le décès de Jean-Claude, il y a dix ans, semble ne pas les avoir séparés. Dans le milieu de la faïence, on ne parle pas de l’un sans l’autre.
« Nous avions une sorte de pacte, se remémore Marjatta. Si l’un de nous avait un avis sur le travail de l’autre, il ne disait rien car un avis pouvait détruire l’image intérieure de la création. Jean-Claude aimait beaucoup sculpter les animaux, surtout les félins. Un jour à la télé, on a regardé un documentaire animalier. Une femelle guépard veillait sur ses trois petits. Jean-Claude a travaillé tard dans la nuit, il a fait cette guéparde en bronze, c’était magnifique. »
Jean-Claude Taburet, né à Château-Gontier (Mayenne), a « fait » comme on dit, les Beaux-Arts à Rennes puis les Arts décoratifs à Paris. En 1956, il s’installe comme artiste libre à la manufacture HB à Quimper. Marjatta, elle aussi diplômée de l’école des Arts décoratifs à Paris, le rejoindra. Ils ne quitteront plus jamais Quimper. En 1984, ils voleront de leurs propres ailes en créant leur atelier.
Les contes des pays nordiques et les légendes celtiques se marient très bien. Le roi Gradlon, roi d’Armorique et de Cornouaille, et Vercingétorix chevauchent ensemble dans l’imaginaire des créateurs. « Ah, Vercingétorix ! Toute petite, j’étais fascinée par cette figure qui défend les Gaulois contre César et les Romains, un peu comme nous les Finnois contre l’URSS. »
Dans ses créations, Marjatta a conservé une fraîcheur quasi enfantine. Elle a souvent peint les îles de Sein et d’Ouessant. Elle aime cette lumière vive qui peut être balayée à tout instant par un charivari nuageux. La mer, même d’huile, est de la couleur du feu. Un flamboyant rouge vermillon. « Dans la famille, on avait un cousin capitaine au long cours, il disait qu’en mer tout peut arriver, la mer est redoutable, d’où cette couleur du danger qui peut surgir… »
Après toutes ces années dans le Finistère, elle ne regrette rien. De la Finlande, « ce qui me manque le plus, c’est la neige. Une année, nous avons eu beaucoup de neige en Bretagne, j’ai même fait du ski dans les monts d’Arrée avec une amie suédoise. »
Le coucou d’une horloge nous rappelle au temps présent. Mais avant de refermer la porte de sa maison, Marjatta a tant à nous dire. Alors, on papote encore un peu. Nul ne peut rester de marbre devant ses trésors de céramique.
Exposition « Marjatta et Jean-Claude Taburet, du légendaire celte à la délicatesse finlandaise », au musée de la Faïence de Quimper (Finistère), jusqu’au 30 septembre.
Ces vases et cruches du service de table Nielle constituent un service de table de Marjetta, quand elle était étudiante aux Arts décoratifs de Paris. Un décor simple et raffiné, floral, qui a surpris la clientèle des faïenceries quimpéroise. Nous sommes en 1956 et ce service est d’une grande modernité. Trop, sans doute, à l’époque.
Vierge à l’enfant
Un classique, la Vierge à l’enfant. Terre cuite émaillée réalisée en 1994. Illustration du travail en commun du couple. Jean-Claude l’a façonnée, Marjatta l’a peinte. Bretagne et Finlande réunies. Au revers, un clin d’œil aux faïenciers du XVIIe siècle et cette signature en latin : Pinxit Marjatta Taburet, Fecit Jean-Claude Taburet.
La Tzigane et son bébé
Dans le tramway, à Helsinki, Marjatta croise la route d’une Tzigane qui porte son bébé dans un châle. « Quand je suis revenue chez moi, je l’ai modelée avec de la pâte à porcelaine. Le lendemain, ma directrice m’a permis de passer ma pièce à l’émaillage et au feu. Si j’avais pensé à l’époque que cette première pièce serait exposée dans un musée ! »
Pour sa saison 2023, le musée de la faïence à Quimper (Finistère) expose Marjatta et Jean-Claude Taburet. Le couple d’artistes contemporains a puisé son inspiration dans la Bretagne et dans les influences nordiques. À découvrir à partir du 11 avril et jusqu’à fin septembre.
e n’est pas un mais deux artistes que le musée de la faïence, à Quimper (Finistère), met en lumière pour sa saison 2023 : Marjatta et Jean-Claude Taburet. Elle est Finlandaise, il est Français. Au milieu des années 1950, tous deux sont à Paris. Elle, orpheline élevée par une tante, étudie le français et les arts plastiques. Lui étudie aussi les arts. Leurs chemins se croisent boulevard Saint-Michel. Ils se plaisent tout de suite. Ils feront désormais leur vie ensemble, jusqu’au décès de Jean-Claude en 2013.
Carrière commune
Le couple de peintres-faïenciers s’installe à Quimper et commence à travailler chez HB en 1957 en tant qu’artistes libres. La collaboration entre eux et la faïencerie durera près de trente ans. Ils installent ensuite leur atelier dans leur maison puis font construire l’Atelier du Steïr. À 92 ans, Marjatta vit toujours à Quimper.
C’est la première fois qu’un couple d’artistes si contemporains est ainsi mis à l’honneur au musée de la faïence. Cette exposition – intitulée Marjatta et Jean-Claude Taburet, du légendaire celte à la délicatesse finlandaise – est aussi la première à leur consacrer une telle visibilité. « Ce sont deux artistes passionnants. À eux deux, ils représentent près de cent ans de création », introduit Bernard Verlingue, le conservateur du musée. 160 pièces sont à découvrir.
La sculpture dès sa jeunesse
Jean-Claude s’exprime avant tout par la sculpture, qui l’attire dès sa jeunesse. Des réalisations parfois colorées, parfois au contraire brutes comme pour le Pêcheur, modelé en terre cuite et qui tient dans ses mains d’authentiques flotteurs du début du XXe siècle. Bernard Verlingue affectionne « la force et la puissance » qui se dégagent de ces œuvres qui, pour certaines, reprennent des techniques anciennes. « Jean-Claude aimait aussi passionnément les animaux », poursuit le conservateur, en montrant chats, hiboux et guéparde en bronze.
Des fleurs et des couleurs
Marjatta, elle, travaille les arts décoratifs. Elle s’intéresse à l’histoire de la faïence et est même la première à écrire dessus. Elle mêle dans ses créations ses influences nordiques aux légendes et paysages bretons. Comme ces maisons, inspirées de Sein et Ouessant, bordées par une mer… rouge : « Marjatta explique qu’elle ne pouvait pas utiliser le bleu pour une mer si cruelle », raconte Bernard Verlingue.
Plus loin, des plats recouverts de fleurs aux couleurs vives. Aux murs, des aquarelles. À côté, de petites poupées : une Bretonne, une Japonaise… Des œuvres « qui sortent de l’ordinaire », apprécie Bernard Verlingue.
L’exposition présente aussi des œuvres réalisées à quatre mains, par le couple : comme ces Vierges, tantôt d’un bleu profond, tantôt d’un blanc réhaussé de longues tresses blondes et de fleurs bleues.
Du 11 avril au 30 septembre 2023, au musée de la faïence à Quimper (14, rue Jean-Baptiste Bousquet). Du lundi au samedi, de 10 h à 18 h. Tarifs : 5 € ; 4 € (pour les 17-25 ans) ; 3 € (pour les 7-17 ans) ; gratuit pour les moins de 7 ans.
Nous proposons de retrouver les allocutions de l’émaillage du Musée de la Faïence de Quimper, à l’occasion de l’exposition : « Marjatta et Jean-Claude Taburet, du légendaire celte à la délicatesse finlandaise ».
La cérémonie s’est tenue, vendredi soir à Quimper. De nombreux adhérents étaient présents pour assister à cet évènement. Vous retrouvez sur cette page leurs différents discours.
Hervé Maupin (Fonds de dotation du Musée) a présenté l’exposition de cette année et remercié Bernard Verlingue et son équipe pour son travail.
Bernard Verlingue (directeur du Musée) a mis en perspective la carrière du couple Taburet, de leur travail au sein de la manufacture HB, jusqu’à la création de l’atelier du Steir à Quimper.
Marjatta Taburet a rendu hommage à son mari Jean-Claude, qui nous a quitté en 2013. Elle a également remercié la famille Verlingue pour leur soutien.