Les études Adjug’art et l’Hôtel des ventes de Quimper ont fusionné en mars dernier, pour former l’entité : Adjug’art Brest Quimper.
Cette année marque le vingtième anniversaire de la vente « l’âme bretonne ». Elle a débuté à Douarnenez, puis à Brest. Aujourd’hui, c’est à Quimper qu’elle se déroulera sur deux jours (le 8 & 9 juillet 2023).
La faïence de Quimper tient une place d’honneur lors de cette vacation. Les pièces sont expertisées par M. Didier Gouin de Guérande.
Adjug’art Brest Quimper – Maître Yves Cosquéric & Maître Tiphaine Le Grignou. Samedi 8 et dimanche 9 juillet 2023 à 11H00 et 14H15(1 008 lots).
Experts : Alain le Berre, Yann le Bohec, Didier Gouin, Olivier levasseur, Caroline Velk – Consultant : Pascal Aumasson.
Tangui Le Lonquer, consultant spécialiste des Seiz Breur, devant une statuette caractéristique de ce mouvement estimée entre 600 et 800 €.
Ce jeudi 27 avril à Quimper, deux anniversaires ont permis de faire estimer des biens en lien avec le patrimoine breton : les cent ans des Seiz Breur au Musée de la faïence et les vingt ans de L’Âme bretonne à la Faïencerie HB Henriot.
1 Le centenaire des Seiz-Breur
Quand Georges, venu de Rosporden, a déposé, ce jeudi 27 avril, une statuette de Robert Micheau Vernez au Musée de la faïence de Quimper pour la faire estimer, il n’avait aucune idée que l’artiste appartenait au mouvement des Seiz Breur (les sept frères en breton), apparu en 1923. Les Seiz Breur ont incarné l’avant-garde artistique du XXe siècle en Bretagne sur tous les supports : mobilier, textiles, céramiques, peintures, gravures… « J’ai vu une annonce dans le journal disant que l’on pouvait faire estimer des objets aujourd’hui », explique le Rospordinois. Il était au bon endroit : à l’occasion des 100 ans des Seiz Breur, sous l’impulsion de Tangui Le Lonquer, expert du sujet, trois maisons de ventes se sont unies pour faire un tour de Bretagne, en quête d’objets issus de ce mouvement. Quimper était la dernière étape. « C’est ici que nous avons le plus de pièces caractéristiques des Seiz Breur même si ces biens sont devenus très rares », affirme Tangui Le Lonquer, basé à Rennes. « L’industrie de la faïence à Quimper a su voir le potentiel de ces jeunes artistes, à l’époque très novateurs, qui bousculaient les conventions. Leur premier média, c’était la faïence de Quimper », détaille le consultant.
Ce jeudi, 75 rendez-vous avaient été pris et une centaine d’objets ont été expertisés, principalement des vases et des statues. « Je suis surpris du succès de ces expertises », note Tangui Le Lonquer. Une fois leurs objets estimés, les visiteurs pouvaient les laisser aux maisons de ventes pour qu’ils soient mis aux enchères lors d’une grande vente programmée le 13 juillet, à Rennes. Georges, lui, a choisi de repartir avec sa statuette estimée entre 200 et 300 €. « Je ne suis pas prêt à la vendre, elle appartenait à ma grand-mère puis à mon père. Je préfère la garder en souvenir », expliquait-il, cartons sous le bras.
Avant d’être mis aux enchères, les quelque 200 objets laissés en dépôt lors du tour de Bretagne, seront exposés au Parlement de Rennes du 8 au 13 juillet.
2 Les vingt ans de L’Âme bretonne
Juste en face du Musée de la faïence, à la Faïencerie HB Henriot, des commissaires-priseurs fêtaient un autre anniversaire, celui des 20 ans de L’Âme bretonne, une vente aux enchères annuelle. Même principe : la maison de ventes Adjug’Art Brest-Quimper a organisé un tour de Bretagne, cette fois à la recherche de tous types de biens faisant partie du patrimoine breton, en proposant une expertise gratuite dans chaque ville.
George, habitant de Combrit, fait estimer ce tableau qui appartenait à son père par l’expert Yann Le Bohec.
Georges a fait estimer ce tableau qui appartenait à son père par Yann Le Bohec.
Un habitant de Combrit, également prénommé Georges, est venu faire estimer un tableau qui appartenait à son père. Une peinture de l’artiste Pierre Plouhinec, représentant Penhors dans le Pays bigouden. « Mon père tenait un magasin de vêtements à Quimper, où se situe aujourd’hui l’enseigne Burton. Dans les années 60-65, la Ville a organisé un concours des plus belles vitrines, c’est mon père qui a gagné et on lui a offert ce tableau », a raconté le Combritois. L’œuvre a été estimée à 1 200 €. Mais lui non plus n’a pas souhaité la vendre et est rentré avec sa toile, d’une grande valeur sentimentale.
Pour leur dernière étape, les commissaires-priseurs vont franchir les frontières de la région en se rendant à Paris, à la Maison de la Bretagne, le 5 juin. Ils reviendront à Quimper, les 8 et 9 juillet, pour la vente aux enchères où seront proposés entre 500 et 1 000 lots.
De nombreuses familles en Bretagne possèdent de la faïence de Quimper. A-t-elle de la valeur ? Ça dépend…
Petits Bretons et autres scènes de la vie quotidienne ornaient les assiettes destinées aux premiers touristes et avant tout à la décoration et non aux arts de la table.
Qui ne connaît pas les faïenceries de Quimper en Bretagne, leur vaisselle décorée « à la touche » caractéristique des manufactures de la capitale de Cornouaille.
Longtemps, des services ont été offerts en cadeau de mariage et chaque famille bretonne a reçu du Quimper en héritage.
Précieux ou pas ? Ça dépend…
le « populaire »
Le « Quimper », celui qui dort dans les buffets et qui est hérité de l’arrière-grand-mère, est-il chèrement estimé ?
Le Paimpolais Yann Le Bohec, spécialiste de l’art breton, douche tout de suite les fantasmes : « Le Quimper de tout un chacun est rarement de valeur ».
En règle générale, la vaisselle ne vaut pas grand-chose, en dehors de sa valeur affective.
C’est le Quimper dit « populaire » celui qui des XIXe et XXe siècles. Celui qui a été le plus produit donc le moins rare.
« Petits Bretons »
Celui aussi, qui nous est familier, avec ses « Petits Bretons », ses couples, ses coqs, ses scènes de la vie quotidienne… Il est signé HB, HR, HB Quimper, Henriot Quimper…
Ces assiettes et autres plats ne dépassent pas les 250 € mais et sont en général plus proches des 20 à 50 €.
Et encore, s’ils sont en bon état ce qui n’est parfois pas le cas : « Les manufactures vendaient aussi le second choix ».
Et d’ailleurs, contrairement à ce que l’on croit, la signature de la manufacture d’origine n’est pas du tout un gage de valeur.
Signature ou pas ?
Car les faïenceries de Quimper sont d’abord une appellation liée à plusieurs maisons qui se sont concurrencées, ont fusionné, se sont rachetées entre elles.
Les signatures ont varié au fil du temps, se sont imitées, ont même fait l’objet de procès… Jusqu’en 1991, où il n’est plus resté qu’une entreprise.
Toutefois, l’art de la faïence est ancien dans la capitale de Cornouaille et son quartier de Locmaria.
Les « primitifs »
Il remonte au XVIIIe siècle. Et si vous avez la chance de posséder un « primitif », il aura plus de valeur, jusqu’à 250 €.
Comment le reconnaître ? Il ne porte, déjà, aucune signature.
Porquier-Beau
Certaines réalisations du XIXe sont un peu plus recherchées, notamment celles de la créative maison Porquier-Beau.
Fondée en 1838, elle a cessé son activité en 1904 avant d’être rachetée par Henriot. Ses pièces portent une signature ressemblant à un trèfle à trois feuilles représentant, en fait, le P de Porquier mêlé au B de Beau.
De même, certains décors, édités de façon très limitée, à l’occasion d’événements historiques, peuvent atteindre de grosses cotes.
Peinteurs
Et si vous avez un peu de la chance, votre arrière-grand-mère vous a légué des pièces d’artistes.
Car, rappelle Yann Le Bohec, HB et Henriot étaient aussi des éditeurs.
À la fin du XIXè siècle, les faïenceries ont fait appel à des artistes pour agrémenter leurs services. Ces derniers fournissent un décor qui est ensuite reproduit pas les « peinteurs » de la manufacture.
Au dos, la signature de la manufacture et le numéro du peinteur de la pièce.
Pièces d’artistes
Les pièces d’artistes les plus connues du grand public sont les services de Mathurin Méheut dits De la Mer et A la galette.
Les pièces de ces services, rares, sont activement recherchées par les collectionneurs.
Elles atteignent de fortes cotes, correspondant à celle de l’artiste qui en a réalisé les décors. Elles sont signées de son nom ou de son monogramme.
« Mais attention, prévient Yann Le Bohec, pour avoir de la valeur, le décor de ses pièces doit être d’époque et non une reproduction tardive ».
mystérieux n° 145 Petite anecdote, à l’arrière des pièces du début du XXe siècle, figure un numéro, c’est celui de la petite main qui reproduisait le décor. Et il se trouve que le « peinteur » ou la « peinteuse » n°145 », resté anonyme, était réputé. Seul indice, il peignait dans les années 20-30.
Statuaire
Enfin, le « Quimper » ne se limite pas à la vaisselle. Dès l’origine, les manufactures proposent de la statuaire.
Au début essentiellement religieuse, avec beaucoup de Vierges à l’enfant. Là encore, les primitifs sont recherchés, même légèrement imparfaits.
Les faïenceries ont aussi fait appel aux artistes dans ce domaine. Et là encore, les cotes peuvent s’envoler. Le Nominoë sur son cheval de René-Yves Creston, faïence polychrome de 35 cm de la manufacture Henriot (1930), a été estimé entre 4000 et 5000 € en 2019.