Faïence, tissu, meuble… Le mouvement des Seiz Breur à travers cinq œuvres emblématiques (Ouest-France).

Fondé en 1923, le mouvement des Seiz Breur fête ses 100 ans. Conservateur du patrimoine honoraire et auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet, Pascal Aumasson décrypte pour nous cinq pièces caractéristiques de ce mouvement, symbole de la naissance du style Art déco en Bretagne.

Photo de groupe des Seiz Breur.
Photo de groupe prise à Douarnenez en 1935. À droite, René-Yves (debout) et Suzanne Creston (assise) ; assis à gauche de Suzanne : Youenn Drezen ; debout au milieu (chemisette et cravate) : Pierre Péron ; à gauche, Jakez Riou et son épouse.

En septembre 1923, sept jeunes artistes fondent le mouvement des Seiz Breur (Les sept frères en gallo) avec pour ambition d’embellir le quotidien de leurs contemporains avec un art décoratif breton, moderne et populaire.

Prenant le contre-pied de leur époque, ils veulent épurer, simplifier, styliser et introduire des motifs nouveaux dans tous les domaines du décor domestique : les meubles, la faïence, les textiles ou la typographie.

Bientôt, ils seront près de cinquante artistes, artisans, musiciens, architectes à s’attacher à un « art national » qui, jusqu’en 1947, balance entre admiration pour le passé (les arts populaires de Bretagne comme l’art celtique d’outre-Manche) et élan vers les audaces les plus modernes d’Europe.

Pascal Aumasson
Historien de l’art, Pascal Aumasson est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le mouvement des Seiz Breur.

Historien de l’art, Pascal Aumasson a également été pendant 35 ans conservateur de plusieurs musées en Bretagne. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages : Suzanne Candré-Creston, à la source des Seiz Breur, paru le 24 mars 2023, et Seiz Breur, Pour un art moderne en Bretagne, réédité chez Locus Solus. Voici cinq œuvres décryptées par Pascal Aumasson :

Le mobilier

Joseph Savina
Bahut réalisé par Joseph Savina (Seiz Breur en 1929) dans son « atelier d’art celtique » à Tréguier. 1936-1938. Collection : Musée de Bretagne, Rennes.

Commandé en 1936 par la veuve de Yann Sohier, instituteur militant pour la langue bretonne décédé en 1935, ce meuble présente en façade le logo que l’instituteur avait adopté à la une de la revue Ar Falz.

La spirale celtique à quatre branches (hevoud) inscrite dans un cercle constitué de triangles appelés « dents de loup » et une faucille (ar falz en breton) en font un meuble à message : ce motif de l’hevoud intéressait les nationalistes bretons de longue date. Il est rehaussé d’une double série de clous décoratifs de tapissier, rappel des clous employés autrefois sur les façades de meubles bretons. Le plateau débordant est quant à lui typique du style Art Déco.

Une vaisselle réinventée

Jeanne Malivel
Projets de faïences de Jeanne Malivel, vers 1925.

Loin des motifs du petit Breton en costume traditionnel qui remplissent encore la vaisselle de cette époque, l’artiste Jeanne Malivel simplifie l’ornementation.

Sur ces croquis préparatoires, elle concentre les motifs à la périphérie des pièces et restreint ses couleurs au jaune et au noir. Elle réserve celles-ci à ce qui est touché par les doigts : ces anses enroulées, qui constituent une signature Art Déco.

Des tissus imprimés

Suzanne Candré-Creston
Étude pour un tissu imprimé de Suzanne Candré-Creston, en 1929. Collection particulière.

Portée par l’envie d’apporter de la couleur et des motifs dans les intérieurs domestiques, Suzanne Candré-Creston imagine des impressions sur tissus, forme de décoration largement méconnue jusqu’alors en Bretagne.

Ses projets fourmillent de bandes courbes et répétées, de combinaisons denses de formes imbriquées et de couleurs puissantes. Leur répétition produit un effet optique dans l’esprit des peintures d’artistes comme Robert et Sonia Delaunay, qui lui sont contemporains.

Des faïences Henriot

René-Yves Creston
Pièce de forme conçue par René-Yves Creston et réalisée par les faïenceries Henriot, à Quimper, en 1933. Collection du musée départemental breton, à Quimper

Cet hommage à un souverain du haut Moyen-Âge breton, Nominoé, est significatif de la passion des Seiz Breur pour les hauts faits de l’histoire ancienne de Bretagne, surtout dans sa dimension d’autonomie régionale ou d’opposition à la couronne de France.

La stylisation des formes et l’emploi de couleurs restreintes sont une signature typique du mouvement Seiz Breur.

Une architecture novatrice

James Bouillé
L’intérieur de la chapelle de l’institution Saint-Joseph, à Lannion. Conception James Bouillé, 1935-1938.

À Lannion, la chapelle de l’institut Saint-Joseph concentre l’esprit Seiz Breur. Ce sanctuaire conçu par l’architecte James Bouillé, un temps membre du mouvement, fait un usage audacieux des possibilités techniques et plastiques offertes par le béton. Ses voûtes en forme d’arcs paraboliques amortis sur de courtes piles définissent un espace sacré tout en transparence et en lumière.

Une vaste fresque signée Xavier de Langlais et des vitraux réalisés par Rual participent à l’harmonie de la nef, dont les proportions sont neuves en Bretagne dans les années 1930.


Publié le 16 avril 2023 par Pauline BOURDET – Ouest-France ©

Hommage à l’artiste breton Xavier de Langlais cet été (Le Trégor).

Le grand artiste breton Xavier de Langlais sera à l’honneur lors d’une grande rétrospective prévue à Lannion du 3 juillet au 9 octobre.

Xavier de Langlais peinture
Des femmes de Xavier de Langlais à son œuvre religieuse, des facettes de son œuvre à découvrir prochainement à Lannion.

La chapelle des Ursulines, à Lannion, va accueillir une rétrospective du grand artiste breton Xavier de Langlais, qui a notamment signé à Lannion la décoration de la chapelle du collège Saint-Joseph. Du 3 juillet au 9 octobre, l’occasion de découvrir d’autres facettes de son œuvre.

Chapelle du collège Saint-Joseph
Xavier de Langlais a notamment signé à Lannion la décoration de la chapelle du collège Saint-Joseph.

Peintre, graveur mais aussi écrivain, ce grand artiste breton a beaucoup travaillé dans les Côtes-d’Armor et laissé son empreinte à Lannion.

Pour lui rendre hommage, pas moins de 60 m linéaires vont éclairer différentes facettes de son expression. Une rare occasion de découvrir et admirer des œuvres rassemblées avec le concours de ses descendants, dont sa petite-fille Katell, qui réside à Lannion.

Femmes de Bretagne

Huiles sur toile, esquisses à la gouache ou au fusain, croquis à la mine de plomb, gravures sur linoléum, lithos : « Langleiz » – comme il signait dans sa forme bretonnante – a magnifié les Bretonnes en coiffe de Ouessant, de Sein, du pays vannetais ou encore de Guingamp (à l’affiche de cette exposition).

Xavier de Langlais peinture
Xavier de Langlais a signé des portraits de femmes à l’enfant.

Maternités

Femmes toujours avec une série de portraits de femmes à l’enfant. « Là aussi les techniques sont variées et permettent de voir les étapes de travail de l’artiste avant la réalisation de l’huile sur toile qui est le travail le plus abouti ».

Seiz Breur

Aux côtés de Jeanne Malivel, de René-Yves Creston ou encore des Trégorrois James Bouillé et Joseph Savina, Xavier de Langlais fut un des hérauts des Seiz Breur (les Sept frères), mouvement qui illustra à compter de 1927 un véritable renouveau artistique breton. Dans le courant de l’art nouveau, une dynamique de recherche d’un nouvel art breton et d’expression celtique. En témoignent ses gravures et son investissement dans la défense de la langue bretonne.

Timbre langue bretonne
L’artiste s’est investi dans la défense de la langue bretonne.

Œuvres religieuses en Côtes-d’Armor

C’est une étape incontournable lors de Journées du patrimoine, mais aussi l’écrin des concerts de la Manécanterie des Petits chanteurs de Lannion : la chapelle du collège Saint-Joseph de Lannion (1936) reflète au même titre que ses décors briochins l’élévation et la dimension monumentale de son œuvre religieuse.

Peinture Chapelle du collège Saint-Joseph à Lannion
Chapelle du collège Saint-Joseph à Lannion. L’œuvre religieuse de Xavier de Langlais est remarquable.

Au sein des Seiz Breur et de l’Atelier breton d’art chrétien, la collaboration étroite de Xavier de Langlais avec l’architecte de la chapelle Saint-Joseph, James Bouillé, nous a laissé un chemin de croix qui en fait tout le tour et la décoration impressionnante du choeur (9 mètres de haut). Dans le Trégor, il a aussi signé le chemin de croix de Trémel.

Pour en savoir plus : http://www.delanglais.fr et www.xavierdelanglais.bzh

Publié le 16 Mai 2021 – Le Trégor ©

Les femmes de Xavier de Langlais exposées à Lannion (Le Télegramme).

Du 3 juillet au 9 octobre, la chapelle des Ursulines de Lannion accueillera une exposition d’œuvres de Xavier de Langlais, intitulée Femmes de Bretagne.

Xavier de Langlais
À Lannion, Xavier de Langlais a peint la fresque représentant La Vierge et l’Enfant, assis sur ses genoux, donnant la main à Saint-Joseph, à la chapelle du collège Saint-Joseph – Bossuet.

Né à Sarzeau dans le Morbihan, Xavier de Langlais (1906-1975), écrivain, professeur à l’École des Beaux-Arts de Rennes, mais aussi et surtout peintre, a consacré sa vie à l’art et à la Bretagne. Son œuvre picturale est extrêmement variée, tant religieuse que profane. À Lannion, l’artiste est connu parce qu’il est l’auteur de magnifiques peintures murales religieuses dans la chapelle du collège Saint-Joseph. Sa fresque du chœur, datant de 1936-1937, présente La Vierge et l’Enfant, assis sur ses genoux, donnant la main à Saint-Joseph.

L’héritage familial

Sa petite-fille Katell de Marion vit à Lannion depuis quelques années. Elle a eu envie, avec sa famille, d’y proposer un événement spécial consacré à son aïeul.

Xavier de Langlais
Les quatre enfants de Xavier de Langlais défendent ardemment l’œuvre de leur père.

C’est ainsi que la Ville rendra hommage à cet artiste avec une grande exposition, du 3 juillet au 9 octobre, à la chapelle des Ursulines. Ce vaste espace accueillera une partie de l’œuvre de Xavier de Langlais autour de plusieurs thèmes chers à l’artiste. Au fil des tableaux, on y découvrira quatre séries.

Portraits et maternité

Femmes de Bretagne, qui donne son nom à l’exposition, montre des portraits de Bretonnes en coiffe d’Ouessant, de l’île de Sein, du pays Vannetais ou encore de Guingamp. C’est cette dernière qui a été choisie pour l’affiche. Il s’agit d’huiles sur toile, des esquisses à la gouache ou au fusain, des croquis à la mine de plomb, des lithographies. « L’œuvre est multiple et variée », soulignent ses descendants, à l’origine du projet.

Un autre thème est décliné autour de la gent féminine, qui le rejoint et le complète avec des portraits de femmes à l’enfant. Dans « Maternités », là aussi, les techniques graphiques sont diverses et permettent de voir par étapes le travail de Xavier de Langlais avant la réalisation de l’huile sur toile, qui est le travail le plus abouti.

Le militant breton

Autre angle de vue, autour du mouvement des Seiz Breur et du renouveau artistique. L’artiste a rejoint ce mouvement créé en 1927 par Jeanne Malivel et René-Yves Creston. Dans cette dynamique de recherche d’un nouvel art typiquement breton et d’expression celtique dans le courant de l’art nouveau, il s’essaye à la gravure sur bois puis sur linoléum et le militant qu’il est illustre la défense de la langue bretonne.

Enfin, au sein des Seiz Breur et de l’atelier breton d’art chrétien, Xavier de Langlais a notamment réalisé les chemins de croix de Trémel ; Trézélan et Plounévez-Quintin et décoré la crypte au grand séminaire de Saint-Brieuc.

L’hommage à la Sainte-Famille

Mais surtout, le peintre travaille étroitement avec James Bouillé, l’architecte de la chapelle du collège Saint-Joseph à Lannion. Il y a réalisé la décoration d’un grand chemin de croix qui fait tout le tour de la chapelle et la décoration impressionnante du chœur qui fait 9 mètres de haut avec l’hommage des scouts à la Sainte-Famille.

Publié le 3 mai 2021 – Le Télégramme ©