La faïence moins cotée, mais toujours collectionnée (Ouest-France).

Le musée de la faïence de Quimper a fêté ses trente ans du 3 au 5 septembre. Mais la faïence quimpéroise a-t-elle encore la cote aujourd’hui ?

Bernard Jules Verlingue
Bernard Verlingue en 2018, avec un magnifique vase bleu de glaz (Photo Bernard GALERON).

Entretien

Bernard Verlingue, expert de la faïence depuis 1991 et conservateur du musée.

Comment se porte le marché de la faïence ?

Si certains collectionneurs vendaient, la cote de la faïence quimpéroise ne serait pas si basse. Cela relancerait la machine.
Le profil des collectionneurs d’aujourd’hui est plutôt âgé. Le jeune s’intéresse, mais n’a pas les mêmes moyens. Dans les salles de vente, la cote de la faïence de Quimper a flambé entre 1980 et 2000. Aujourd’hui, les prix ont chuté, sauf pour les créations d’artistes.

Pourquoi la faïence a-t-elle connu un tel essor ?

La faïence s’est développée dans les années 1985-1986 quand deux grands antiquaires se sont installés à Quimper. Ils ont suscité de véritables vocations et vendu beaucoup aux collectionneurs.
En 1990, le tricentenaire de la naissance de la faïence à Quimper avec une grosse exposition au musée des Beaux-Arts et la sortie d’un livre ont contribué à sa notoriété. Cela a été un véritable engouement. Acheter de la faïence, c’était comme acheter trois siècles d’histoire.

Y avait-il des importateurs étrangers ?

Dans les années 1980, il y avait un marché énorme aux États-Unis (25 %), il y avait deux gros importateurs et une bulle de collectionneurs. Des Belges, des Anglais achetaient. Les prix ne cessaient de grimper. Les Américains étaient friands du décor soleil yellow et du mistral blue. Là-bas, ils vendaient une assiette plate, une creuse, une à dessert et un mug, c’était assez astucieux.
Quand on avait des invités, on se devait de racheter un ensemble. Ce qui nous a pénalisés. c’est le décor main. Nous n’avions pas assez de personnel et les antiquaires ont fini par prendre le dessus.

Avez-vous découvert des joyaux lors d’expertises au musée ?

Une femme est venue en 1995 avec un grand sac plastique et des objets emballés dans du papier journal. Elle a sorti un cornet estampillé Exposition universelle 1889 Paris signé Porquier Beau. Je lui ai demandé si elle en avait d’autres, elle m’a présenté une coupe sur pied décorée par Alfred Beau (estimée à 150 000 francs à l’époque). Et un vase du même acabit. Des objets qu’elle avait gagnés dans une kermesse à Locmaria. Il faut dire qu’Henriot avait racheté Porquier. Il prenait des pièces qu’il offrait pour la kermesse. Il n’y avait pas de cote à l’époque.
À une vente aux enchères à Brest, deux des faïences se sont envolées à 250 000 francs l’une et 300 000 francs l’autre.

Quel style de faïence recherche-t-on aujourd’hui ?

Depuis 2000, les Américains se désintéressent de la faïence quimpéroise. Ils viennent beaucoup moins en salle de ventes. La cote s’est affalée.
J’ai lu dans un livre que cet engouement était un phénomène de mode et la mode, ça passe. Aujourd’hui, ce sont les pièces des artistes quimpérois du XXe siècle qui sont recherchées. Ils ont été 260 à travailler à la faïencerie. Ce sont eux qui ont contribué à la moderniser, sans eux elle n’aurait pas passé le XXe.
Les très belles pièces signées Mathurin Méheut ou encore Quillivic se vendent bien, mais les collectionneurs hésitent à s’en séparer.

Recueilli par Véronique MOSSER – Le 6 septembre 2021 – Ouest-France ©