Mathurin Méheut, le musée de ses amis (Le Télégramme).

Jamais Mathurin Méheut n’aurait imaginé, à Lamballe (22), sa ville natale, un musée de 400 m² entièrement dédié à son œuvre mais c’était sans compter sur les proches et amis du peintre.

Geoffroy de Longuemar
« Le musée est « Le musée est véritablement une création à 100 % des Amis de Mathurin Méheut ! », se réjouit Geoffroy de Longuemar, l’actuel président de l’association des Amis de Mathurin Méheut, à l’origine de la réhabilitation de ce génie artistique.

Curieux, véritable bourreau de travail, l’artiste Mathurin Méheut, internationalement reconnu, s’est éteint à son domicile parisien, à l’âge de 76 ans, le 22 février 1958, ignoré de la critique parisienne et en doutant de la pérennité de son œuvre ! Mais c’était sans compter sur sa femme Marguerite, sa fille, Maryvonne, et plusieurs autres proches et amis de la famille qui, eux, n’en ont jamais douté. Pleinement conscients d’avoir côtoyé « un génie », ces hommes et ces femmes n’auront en effet de cesse, après la mort du peintre lamballais, d’œuvrer pour la réhabilitation de son œuvre, une initiative qui durera plus de 60 ans et conduira à l’ouverture du nouveau musée Mathurin Méheut.

« C’est formidable de constater que le musée a pu être créé grâce à deux dons successifs et à la mobilisation des amis de Mathurin Méheut », se réjouit Geoffroy de Longuemar, le président de l’association Les Amis de Mathurin Méheut.

Création d’une société des Amis de Mathurin Méheut

Le 14 février 1959, un an tout juste après le décès de l’artiste, son épouse va créer la Société des Amis de Mathurin Méheut, présidée par Jean Marie, ingénieur du génie maritime et président de la Compagnie Transatlantique pour laquelle Mathurin Méheut avait réalisé beaucoup de décors. Son objet est alors la création d’actions autour de l’œuvre du peintre. À cette époque, il n’est pas encore question de musée.

Juillet 1960. L’abbé Jean Boulbain, premier secrétaire général des Amis de Mathurin Méheut, organise à la mairie de Lamballe, dans la salle d’honneur, la première grande rétrospective de l’œuvre du peintre lamballais. Mais, par la suite, malheureusement, les rendez-vous proposés par la Société des Amis de Mathurin Méheut vont se faire moins nombreux. Puis, en septembre 1963, l’abbé Boulbain, encore lui, eut l’idée généreuse d’acheter l’antique maison dite du Bourreau, place du Martray, à Lamballe, alors menacée de démolition, pour en faire un musée dédié à Méheut.

Le don d’une maison et un don de 10 000 dessins

L’achat aura lieu en décembre 1963 avec les contributions de proches du peintre. Mais ces nouveaux propriétaires n’avaient pas l’intention ni peut-être les moyens d’assumer seuls la restauration du bâtiment. Toujours est-il que le 13 avril 1966, ils en font don au département des Côtes-du-Nord à la condition que ce dernier prenne en charge sa restauration pour y établir un musée consacré à Mathurin Méheut. Six ans plus tard, le 22 juin 1972, le premier musée Méheut est inauguré à Lamballe, par René Pléven, garde des Sceaux, Henri Froment Meurice, président des Amis et Fernand Labbé, maire de Lamballe. La collection est alors constituée à partir d’un lot de 27 œuvres données par la femme du peintre, Marguerite, décédée en 1966, auquel ont été ajoutés 10 000 dessins donnés par sa fille, Maryvonne. « À partir de cette date, le musée associatif, devenu musée contrôlé par l’État en 1975, va faire connaître et reconnaître l’œuvre de Méheut grâce au travail des bénévoles, des salariés et des Amis de Méheut. »

2002, premier tournant dans l’histoire du musée

« Un long épisode judiciaire de six ans a pourtant bien failli tuer le musée », rappelle Geoffroy de Longuemar. D’un côté, le musée ; de l’autre, les héritiers de Méheut, qui contestaient, au nom de la réserve héréditaire, le don de la collection fait par leurs mère et grand-mère. En 2008, fort heureusement, un accord sera trouvé, conduisant à un partage équitable en nombre et en valeur, soit 5 000 œuvres pour chacune des deux parties. « Quoique sorti d’affaire, en 2008 donc, toujours à la tête d’une grande collection et plein d’ambitions, notre musée a tout de même été fragilisé par cette épreuve. Le musée purement associatif avait fait son œuvre et son temps. Il fallait passer à une structure plus vaste, plus solide, l’ouvrir aux collectivités publiques », résume M. de Longuemar, qui ne peut que se féliciter de l’ouverture au public, ce samedi, du nouveau musée Mathurin Méheut, le seul musée monographique en Bretagne !

De son vivant, Mathurin Méheut aurait confié vouloir aussi être un homme célèbre dans son pays natal. Il n’aurait sans doute jamais imaginé le devoir à ses proches et ses amis.

Musée Mathurin-Méheut, place du Champ de Foire, à Lamballe-Armor. Samedi 18 juin, de 10h à 18h, ouverture au public (inauguration le 1er juillet). Tarifs : 7 euros ; 3 euros pour les enfants de 6 à 14 ans ; gratuit pour les moins de six ans.

Publié le 17 juin 2022 par Sylvie Vennegues – Le Télégramme ©


Quatre raisons d’aller à l’inauguration du musée Mathurin-Méheut (Le Télégramme).

musée Mathurin Méheut
Le nouveau musée Mathurin-Méheut a pris place dans l’écurie 12 du haras de Lamballe.

Vous ne connaissez rien à la peinture ? Le nom de Mathurin Méheut ne vous évoque par grand-chose ? Voici quatre raisons de vous rendre au haras de Lamballe, samedi 18 juin, pour assister à l’ouverture d’un musée unique, le seul musée monographique en Bretagne.

1 – Parce qu’il n’y a plus de bourreau

Jusque-là, le musée du plus célèbre peintre lamballais était abrité dans la Maison du Bourreau, place du Martray, à Lamballe. Un joli bâtiment du XVIIe siècle certes, mais peu adapté à l’accueil des œuvres et du public. Pas d’accès aux personnes à mobilité réduite, pas de sanitaires et une très petite surface d’exposition. Désormais lové dans l’écurie 12 du haras, le musée consacré à « MM » est à son aise : 300 m2 de surface d’exposition, des espaces grands et lumineux et plus de 260 œuvres d’art visibles de manière permanente, sans oublier une exposition nouvelle chaque année.

2 – Parce que c’est unique en Bretagne

Le nouveau musée sera unique à bien des égards. Déjà parce que ce sera la seule ouverture de musée en 2022 à l’échelle de la Bretagne. Ensuite, parce que le projet est colossal : 4,50 M€ injectés (30 % État, 29 % Région Bretagne, et le reste partagé entre Département, Agglo et Ville), neuf salariés (contre quatre auparavant). Enfin, parce qu’on y verra une large part des créations d’un artiste polyvalent qui a vécu à cheval entre les XIXe et XXe siècles (1882-1958). Figure emblématique de l’art breton, Mathurin était à la fois peintre, décorateur, illustrateur, céramiste et sculpteur, et un illustrateur très couru par les maisons d’édition et les revues. À noter que la première exposition temporaire, baptisée « Paquebots, à la croisée des arts décoratifs », emmènera les visiteurs sur les flots.

Maison du Bourreau
Jusqu’en septembre 2021, le musée Mathurin-Méheut était hébergé dans la Maison du Bourreau, à Lamballe. Il y était resté 50 ans.

3 – Parce qu’il y aura des surprises

Des quelque 6 000 œuvres que compte la collection mise à disposition par l’association des Amis de Mathurin-Méheut, le public n’en verra, dans l’immédiat, qu’une petite partie, articulée en quatre sections. La nature et la Bretagne, chères à Méheut, y ont une place de choix. L’une des œuvres devrait attirer les regards : celle qui clôt l’expo permanente, la tapisserie de « La Mer » (6,5 m sur 3 m), récemment restaurée, et autour de laquelle a été articulé le musée. C’est une commande de la manufacture nationale des Gobelins en 1939. Jusqu’ici, la toile n’était visible que par… les collaborateurs du préfet des Côtes-d’Armor, puisqu’accrochée dans le bureau du haut fonctionnaire. Au musée de Lamballe, elle est présentée en face de son carton, qui servit de modèles aux artisans tapissiers.

Chantier du futur musée Mathurin Méheut
Le chantier du futur musée Mathurin-Méheut, sur le site du haras de Lamballe, a débuté en octobre 2020.
Tapisserie de la mer
L’imposante tapisserie de la mer, « clou » du nouveau musée, avait été commandée à l’artiste en 1939 par la manufacture nationale des Gobelins.

4 – Parce que ce sera rondement animé

Le feu d’artifice d’animations débutera samedi 18 juin, à 10 h, place du Champ-de-Foire et dans l’enceinte du musée. Au menu : musique jazz swing (concert du groupe Kannibal Swing Quartet), théâtre surprenant (par la Smart Compagnie), bar à tatouages éphémères (par La Rose à Georgette), exposition dans l’écurie des arts (Portraits revisités), puis spectacles musicaux dans le centre-ville jusque tard dans la soirée. À découvrir en famille. Informations sur le site : www.musee-meheut.fr

Maison du Bourreau
Intérieur de l’ancien musée Mathurin-Méheut, situé dans la Maison du Bourreau.

Publié le 16 juin 2022 par Sylvie Vennegues – Le Télégramme ©

Maison de haute Faïence (Bretons en cuisine).

Plus que tricentenaire la faïencerie Henriot, à Quimper, est unique en son genre en France. Ses chevilles ouvrières perpétuent un savoir-faire artisanal contre vents et marées.

François Le Goff
François Le Goff, actuel directeur de la faïencerie quimpéroise Henriot, a épaulé son père, l’entrepreneur Jean-Pierre Le Goff, lors du rachat de la faïencerie, alors en liquidation judiciaire, en 2011.

« Il faudrait environ trois ans plein temps pour tout trier, nettoyer et répertorier… » François Le Goff, directeur de la faïencerie quimpéroise Henriot, fait office de guide dans la « salle des archives » de l’entreprise. L’immense grenier occupe l’intégralité du dernier étage de la manufacture, à quelques pas des rives de l’Odet. Dans ce décor digne d’un film de Tim Burton s’entassent plusieurs centaines de milliers d’objets issus des ateliers Henriot ou de ceux de concurrents absorbés par la société au fil des décennies. Déambuler dans ce lieu hors du temps — et fermé au public — revient à parcourir trois siècles d’histoire bretonne : Henriot, qui fêtera ses 333 ans en 2023, figure parmi les plus vieilles entreprises de France.

Robert Micheau-Vernez
L’artiste-peintre Robert Micheau-Vernez a créé de nombreuses statuettes pour la faïencerie Henriot, parmi lesquelles cette « danseuse bigoudène ».

À l’étage inférieur se trouvent des ateliers parfaitement opérationnels, d’où sortent chaque année plusieurs milliers d’assiettes, plateaux, saladiers, tasses, ainsi, entre autres, que les célèbres « bols-prénom ». Toutes ces pièces arborent, au revers, la célèbre signature « Henriot Quimper France ». Douze personnes officient ici selon des procédés qui n’ont guère évolué depuis le début du XXe siècle. L’argile, matériau de base, ne provient plus des berges de l’Odet, mais de plusieurs fabricants spécialisés disséminés aux quatre coins de la France. Les « biscuits », ainsi que l’on nomme les pièces fraîchement façonnées, ne sont plus chauffés dans des fours à bois, mais dans d’imposants équivalents électriques. Pour le reste, les gestes et outils renvoient aux temps anciens. Le calibrage, qui consiste à donner aux morceaux d’argile la forme désirée, est effectué à l’aide d’antiques machines constamment réparées.

Après la première cuisson et le trempage dans un bain d’émail, les six peintres « maison » se chargent de la décoration des pièces.

Annelise Le Bras
Annelise Le Bras, peintre sur faïence, en plein travail.

Un silence monacal règne dans leur antre. Chaque artiste passe environ sept heures par jour ici, yeux rivés sur les pièces à orner. Les gestes sont précis et assurés. Deux ou trois coups de pinceau suffisent à faire naître une fleur sur la faïence. « On connaît les décors parce qu’on les peint depuis longtemps, explique Annelise Le Bras, 26 ans de métier. On peint presque par réflexe. » Trois ans sont nécessaires a« apprentis pour maîtriser la peinture sur faïence ainsi que le style Quimper ». Ce dernier, caractérisé notamment par le travail à main levée, les couleurs vives, ainsi que les motifs traditionnels bretons (parfois modernisés ci déclinés), était commun aux différentes faïenceries installées dans la capitale du Finistère à partir de la fin du XVIIIe siècle. Ces sociétés se sont longtemps concurrencées et rachetées entre elles. Trois siècles plus tard, alors que triomphe la vaisselle bon marché fabriquée aux antipodes, seule Henriot demeure.

Le calibrage
1 – Le calibrage consiste à façonner le morceau d’argile à l’aide d’un moule et d’un calibre.

La célèbre faïencerie quimpéroise est l’une des dernières, en France, à fonctionner de façon totalement artisanale. Une gageure, selon François Le Goff, qui ne cache pas les difficultés pour recruter du personnel, assurer les approvisionnements et demeurer attractif dans un monde dominé par les produits industriels. Pas question, pour autant, de remettre en cause les valeurs de la maison : « Faire ce qu’on fait, comme on le fait, aujourd’hui, c’est presque contre-nature… Mais on veut conserver ce savoir-faire et l’âme de la marque. »

Photos Bretons en cuisine
2 – Un moule destiné à la fabrication d’un «bol-prénom». 3 – Les couleurs utilisées par les peintres de la faïencerie sont créées sur place, en mélangeant différents pigments. 4 – Un bol Henriot « standard » est vendu environ 40 euros, soit cinq à dix fois plus qu’un équivalent fabriqué à l’étranger de façon industrielle.
Couverture de Bretons en cuisine n°42

Le saviez-vous ?
Certaines pièces anciennes signées « Henriot Quimper », particulièrement recherchées, se vendent plusieurs milliers d’euros. Leur valeur dépend notamment de l’époque de fabrication et de la cote de l’artiste ayant réalisé les motifs.

Publié le 1er juin 2022 – Textes et photos Nicolas Legendre – Bretons en cuisine n°42 ©

Décès de Jacques Villeglé (1926-2022) – (France 3 Bretagne).

L’artiste Jacques Villeglé (1926-2022) est décédé le lundi 6 juin 2022.
Il était certainement l’artiste contemporain quimpérois le plus célébré sur la scène internationale.
Sa démarche artistique passait par la lacération d’affiches dans l’espace public, qui constituait son atelier.
Il adhère en 1960 au mouvement des nouveaux réalistes théorisés par Pierre Restany.
A la fin des années 60, il débute un alphabet socio-politique.
En 2016, la faïence Henriot réinterprète son alphabet sur le support de la céramique.
Une exposition lui a été consacrée au sein de la galerie de la manufacture cette même année.

Publié le 8 juin 2022 – France 3 Bretagne ©