Les cheminements de Xavier Krebs (Ouest-France).

Quimperlé accueille une exposition d’un enfant du pays. Xavier Krebs (1923-2013), figure de l’abstraction d’après-guerre, a construit son œuvre pas à pas.

Hommage à Takanobu
Hommage à Takanobu, 1970. Huile sur bois, 41 x 25,5 cm. Collection particulière.

Sur les bancs des écoles, tous les petits espagnols connaissent par cœur les vers d’Antonio Machado : « Caminante, no hay camino, se hace camino al andar. »

Comprenez : « C’est en marchant qu’on trace sa route. » Xavier Krebs, peintre né à Quimperlé en 1923, illustre parfaitement ces mots.

Suivons un peu les traces de cet artiste majeur de l’abstraction.

Après une enfance sur les bords de l’Aven, entre Quimperlé et le Poulguin, il s’engage à 18 ans dans les troupes françaises d’Afrique du Nord, il prend part aux campagnes de Tunisie, d’Italie, au débarquement de Provence, aux campagnes d’Alsace et d’Allemagne.

Après un court retour dans le Finistère, il part en Indochine. Reviendra avec la dysenterie et des images sombres en mémoire. Il y laissera sa foi en Dieu dans « ce lieu de ténèbres ».

Le chemin suivi par Xavier Krebs est fait de méandres, de tours et détours. Avec des étapes importantes. Comme la faïencerie Keraluc, à Quimper. « Ce sera le premier, en Bretagne, à intégrer dans la céramique des motifs abstraits », ​souligne Fanny Drugeon, commissaire de l’exposition à Quimperlé.

Xavier Krebs
Xavier Krebs, en 1972. (André Maurice)

Peintre autodidacte, Krebs trouvera sur sa route des peintres qui marchent sous la bannière de l’abstraction lyrique : Degottex, Hantaï, Poliakoff, Benrath.

Dans ses bagages iconographiques, Krebs a embarqué Turner, Goya, Klee, Kandinsky, Sérusier et des primitifs italiens. Géographiquement, le peintre qui était plutôt du genre « taiseux », ​selon son fils Benjamin, exercera son art en région parisienne, en Touraine, puis enfin, dans le Tarn.

Ce grand marcheur, pétri de taoïsme, peintre contemplatif, aimera cheminer en Inde et dans le Sahara. Dans son parcours intellectuel, Krebs fera de belles découvertes en créant des carrefours inattendus.


Comme dans ce portait de Shimegori, par le peintre japonais Takanobu (1142-1205). Fasciné par la forme noire octogonale dans le portrait, il trouve un écho à cette figure géométrique dans Melancolia du peintre-graveur Dürer (1471-1528). Une forme transposée dans ses paysages abstraits.

Les trois gorges
Les trois gorges, 2007. Huile sur toile, 110 x 65 cm. Collection particulière.

Adoubé par les critiques et les galeristes, Xavier Krebs est injustement méconnu du grand public. L’exposition sur ses terres natales est l’occasion de faire un bout de chemin en sa compagnie.

« Ma peinture, écrivait-il, pourrait aussi être une mise à plat de ces espaces qui nous coupent le souffle, qui nous « naviguent »​, une expression de la durée et du déplacement dans l’immobilité de la toile. »

jusqu’au 10 octobre, « Xavier Krebs, cheminements, ​à Quimperlé.

À lire, catalogue de l’expo, éditions Locus Solus, 112 pages, 25 €

Publié le 19/06/2021 par Jean-Marc PINSON – Ouest-France ©