Ce samedi matin, le Musée de la faïence accueillait la séance d’expertise proposée tous les ans par Bernard Verlingue, le conservateur du musée. L’occasion pour de nombreux curieux de faire estimer leur bien.
Il est 10 h 20 dans le hall du Musée de la faïence et déjà la file s’étire à l’intérieur du bâtiment. La séance d’expertise proposée par Bernard Verlingue vient tout juste de débuter et les propriétaires, curieux de connaître la valeur de leur bien, se massent devant le conservateur. Chaque année depuis 1991, ce dernier détaille, date, estime les pièces qui lui sont présentées. Toujours avec justesse et en douchant souvent les rêves de fortune de leurs possesseurs.
Déceptions…
« Je pensais que ça valait plus », souffle le premier de la file, en remballant une assiette qui appartenait à sa belle-mère. Elle vient d’être estimée à 20 €. « Je laisse la place au suivant, je vais essayer de ne pas tout casser », sourit-il en débarrassant. Il met une petite tasse sous le nez de Bernard Verlingue avant de refermer son carton. « J’ai longtemps cru que c’était du Picasso ». « Ça n’aurait pas eu tout à fait la même valeur », s’amuse l’expert, un large sourire se dessinant derrière ses rouflaquettes. Un couple s’avance et dépose un beurrier au centre de la table. Le verdict tombe : 20 €. « Ah bon ? Non parce que sur internet… » « Oui d’accord mais sur internet, on trouve tout ce qu’on veut », coupe celui qui fut directeur technique de la faïencerie pendant près de dix ans.
Les traces du temps et l’utilisation des services de table participent également à la baisse de la valeur initiale. Alors que cet imposant plat, accusant des chocs thermiques successifs et rafistolé à l’aide d’un fil de fer, aurait pu rapporter jusqu’à 600 €, il ne vaut désormais plus qu’une trentaine d’euros. Idem pour cette assiette ébréchée, décorée par Béatrix Pouplard (faïence de Malicorne) et dont le morceau manquant a été recollé à coups de ruban adhésif.
Pour ce qui est des soupières, présentées en nombre, les estimations se suivent et se ressemblent. Elles ne valent plus grand-chose et n’intéressent plus grand monde. « Les estimations sont très basses mais elles ne reflètent pas du tout la qualité du travail fourni. Le problème, c’est qu’il n’y a plus d’acquéreurs pour ce genre de choses aujourd’hui. À part peut-être dans les vide-greniers », explique Bernard Verlingue. « Bon, ça fera toujours un beau cadeau de kermesse », plaisante, philosophe, un propriétaire déçu. Le sort réservé aux services de table n’est guère plus clément. Un couple fouille dans son sac, sort plusieurs boules de papier journal. « Nous avons seulement apporté deux/trois pièces mais on en a huit cartons à la maison ». Quelques tasses, des assiettes, un plat à cake… « A qui s’adresser si on veut vendre tout ça ? », s’enquiert la femme. L’expression du conservateur en dit long. « Bon, il va falloir entreposer les cartons », conclut-elle, résignée.
… Et bonne surprise
Un homme s’approche, pose un gros carton avec fracas. « Ça commence bien », sourit-il gêné alors que tout le monde se retourne, alerté par le bruit. À l’intérieur, un groupe figurant trois danseurs de l’Aven, peints par Micheau Vernez. « C’est une pièce de famille. Mes parents étaient tellement fiers de ce bibelot. Même si c’est magnifique, ça prend de la place et ça ne rentre plus vraiment dans le reste de la déco », explique son épouse. L’expert scrute la pièce sous tous les angles et rend ses premières conclusions : elle vaut entre 2 000 et 2 500 €. Silence interloqué. « Ah oui quand même », lâche le mari. Il soulève la faïence et s’en va la ranger avec précaution. « C’est marrant, il fait beaucoup plus attention maintenant », observe Bernard Verlingue, les yeux rieurs.
Publié le 18 août 2018 par Léa Gaumer – Le Télégramme ©