Une centaine de personnes, maniant avec délicatesse les trésors apportés dans des sacs et cabas : la séance d’expertise gratuite des faïences proposée hier matin par Bernard Verlingue, au Musée de la faïence, a attiré une nouvelle fois une foule de curieux, désireux de connaître l’inestimable valeur des vases et assiettes hérités des grands-parents. Michel et Marie-José sont venus de Concarneau. Ils patientent dans la file d’attente qui s’étire à l’extérieur du musée. Dans leur sac, deux assiettes et deux bols, ornés de motifs originaux. « Il s’agit d’un cadeau qui a été fait au grand-père, sans doute dans les années 1920, explique Michel. L’auteur des dessins, qui a signé Herr, a représenté notamment la maison de Liziria près de Morlaix. C’est une femme qui était peintre amateur ». Les pièces sont passées au four chez Henriot, comme le confirme la signature qui apparaît sous la peinture noire qui a été grattée au cul du bol. Outre la maison, les autres motifs représentent des ruches, des compositions peu banales sur de la faïence. « L’ensemble a une valeur sentimentale, dit Michel. Mais je vais rendre compte à mes frères et soeurs de l’estimation qui sera faite ». Le tour de Michel et Marie-José arrive. Bernard Verlingue est effectivement intrigué par le motif. « C’est très surprenant, commente l’expert. Il est difficile de donner une valeur. Disons, 60 € pièce ».
Au moins 3.000 € la statue
Au suivant. Toute la matinée, l’œil affûté du conservateur du musée jauge rapidement la majorité des assiettes, bols, statuettes de faïence. Parfois, il s’arrête. Ce couple de Quimperlé ouvre une valise. À l’intérieur deux belles pièces d’une cinquantaine de centimètres. « Elles sont très belles et en parfait état » constate l’expert. Il a tout de suite identifié un travail de René Quillivic (sculpteur, graveur et céramiste, 1879-1969). Les deux statuettes datent des années 1920 et sont numérotées, chacune ayant été réalisée en une vingtaine d’exemplaires. « Le grand-père tenait un magasin de produits bretons à Quimperlé, explique le visiteur. C’est lui qui les a acquises. Il y en avait une de chaque côté de la cheminée ». Verdict de Bernard Verlingue : 3.000 à 4.000 € pièce.
Drôles de crevettes
Les particuliers se succèdent devant la petite table où ils déballent leurs biens. Parfois, ça va vite, 5 € ces assiettes ou bols de facture classique, même s’ils ne sont pas récents. Bernard Verlingue offre à chaque fois des détails précieux, sur l’époque, le style, l’origine. Ah, encore une pièce étonnante ! Elle est apportée par une dame de Treffiagat. Sans surprise, la grande assiette qu’elle sort de son papier protecteur est ornée de motifs maritimes : six crevettes disposées en cercle. « C’est un décor que je ne connaissais pas, avoue Bernard Verlingue. Il n’y a pas de signature. C’est un peut-être un travail d’Alphonse Chanteau (1874-1958) dont on connaît le goût pour les Arts déco. C’est étonnant. Il est de plus en plus rare de découvrir des choses que l’on n’a jamais vues ». Il avance une estimation à 500 €, ce qui fait sourire la propriétaire. « Je vais voir avec mon père ce qu’on va en faire », dit-elle.
Gare aux fêlures
Les pièces défilent, souvent légèrement ébréchées ou fêlées. « Ces défauts font très vite baisser les valeurs de 20 à 30 % », dit l’expert. C’est le cas pour ce vase Odetta. La marque a été créée au début des années 1920 par la manufacture HB, pour sortir des motifs folkloriques traditionnels et proposer des formes Art déco. « Dommage qu’il y ait des coulures, dit Bernard Verlingue. Elles sont très pénalisantes ». Le vase est quand même estimé 300 à 400 €. Ces deux soeurs douarnenistes repartent satisfaites. Le couple de Bretons présenté a été estimé entre 800 et 1.000 €. « Il est dans la famille depuis longtemps, disent-elles. C’est peut-être un cadeau de mariage ». Marie-Thérèse présente un couple d’enfants qui semble assez classique, daté des années 1960. Mais il est signé Micheau Vernez. 500 à 600 €. « Tant que ça ! » s’exclame la visiteuse, heureusement surprise. Tous les ans, Bernard Verlingue propose ce genre d’expertise gratuite. Il est probable qu’il y ait encore dans les greniers, sur les cheminées et les étagères bretonnes, bien des trésors à découvrir, qui racontent tous une histoire personnelle, ce qui n’a pas de prix.
Publié le 13 août 2017 par Ronan LARVOR – © Le Télégramme