Le Seiz Breur décrypté par Pascal Aumasson (Ouest-France).

Symbole de la naissance du style Art déco en Bretagne, le mouvement des Seiz Breur a 100 ans. Le spécialiste revient sur l’histoire de ce groupe de jeunes artistes, résolus à moderniser l’art breton.

Pascal Aumasson
Conservateur du patrimoine honoraire et historien de l’art, Pascal Aumasson est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le mouvement des Seiz Breur.

Entretien

Pascal Aumasson, conservateur du patrimoine honoraire et auteur de plusieurs ouvrages sur le mouvement des Seiz Breur.

En quoi le mouvement des Seiz Breur se distingue d’une école ?

On ne peut pas parler d’école ou d’académie, parce que ce mouvement des Seiz Breur n’impose pas de style : chacun des membres peut s’exprimer dans son style propre, à condition que cela corresponde aux principes qu’ils adoptent tous : être breton, moderne et populaire.

En quoi innovent-ils ?

Ils prennent le contre-pied d’une façon de concevoir,à leur époque le mobilier et la faïence. Ils rejettent radicalement (et avec un humour cinglant) les meubles Henri II, par exemple, truffés de petits personnages en costumes bretons. En matière de faïence, ils rejettent le surplus de décors hérités du début du XIXe siècle. Ils veulent épurer, simplifier, styliser et introduire des motifs nouveaux.

Les femmes y ont joué un rôle important ?

Jeanne Malivel et Suzanne Candré-Creston, femme d’René-Yves Creston, y jouent un rôle essentiel. Suzanne Candrée-Creston est d’une avantgarde audacieuse, artistiquement très équilibrée. Son objectif est de faire connaître en Bretagne toutes les avant-gardes qui se développent, que ce soit en Allemagne ou du côté du théâtre Dada.
Jeanne Malivel, elle, invente des formes avec motifs épurés, ce qui se remarque surtout dans ses faïenceries, ses broderies ou ses projets de meubles, avec des décors presque graphiques.

René-Yves Creston et Gaston Sébilleau
Le fauteuil imaginé en hommage à Nominoé par le duo René-Yves Creston et Gaston Sébilleau.

Aujourd’hui, que nous reste-t-il des Seiz Breur ?

Le mouvement a duré de septembre 1923 jusqu’en 1947, passant d’un effectif de sept artistes à plusieurs dizaines.
Les Seiz Breur ont surtout eu un rôle dans le domaine des arts décoratifs, avec un impératif : embellir le quotidien de leurs contemporains.
Il en reste une manière de prendre appui sur des racines basses bretonnes et de les assumer d’une manière moderne. Ils voient le futur en se basant sur les usages décoratifs les plus anciens.

On ne peut pas oublier la part d’ombre du mouvement…

Il y a un gap entre ce qu’on dit, « les Seiz Breur ont collaboré », et la réalité : certains l’ont fait mais ils se sont égarés seuls.
Au début de la guerre, sous la direction de Creston, le mouvement a décidé de ne pas prendre parti. Cela n’a pas empêché un certain nombre de ses membres, à titre individuel, de penser que Vichy et l’Allemagne nazie allaient apporter à la langue bretonne un espace que la République française lui refusait.

Maison Saint-Yves, à Saint-Brieuc
Les mosaïques d’Isidore Odorico, les peintures à fresco et le riche mobilier inspiré par le mouvement Seiz Breur sont à découvrir à la chapelle Art-déco, à la maison Saint-Yves, à Saint-Brieuc.

C’est malgré tout ce qui a entraîné leur chute ?

À la fin de la guerre, l’amalgame entre culture bretonne, langue bretonne et collaboration a affecté les Seiz Breur, à leur corps défendant. Cet amalgame a mené à un grand oubli, qui a duré jusque dans les années 2000.
De plus, les musées bretons n’ont pratiquement acquis aucune œuvre des Seiz Breur avant les années 1990. Mais il est fréquent qu’une période ne soit pas respectée par ses contemporains. Prenons l’exemple de l’école de Pont-Aven : pas un musée breton n’a acquis d’œuvres de ses membres du vivant du groupe.
Le mouvement des Seiz Breur a également été écrasé par des formes artistiques franchement plus modernes : le cubisme ou l’abstrait étaient mieux portés par le marché de l’art que les arts décoratifs bretons.

Historien de l’art, Pascal Aumasson a également été pendant 35 ans conservateur de plusieurs musées en Bretagne. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages : Suzanne Candré-Creston, à la source des Seiz Breur, à paraître le 24 mars 2023, et Seiz Breur, Pour un art moderne en Bretagne, qui sera bientôt réédité chez Locus Solus.

Publié le 26 mars 2023 par Pauline BOURDET – Ouest-France ©

Les nouvelles publications sur le mouvement des Seiz Breur.

Les éditions Locus Solus publient de nouveaux ouvrages à l’occasion des célébrations du centenaire de la création du mouvement « Ar Seiz Breur ».
Un livre de Françoise Le Goaziou sur Jeanne Malivel à Paris est disponible aux éditions ASIA, avec la collaboration de l’association des Amis de l’artiste.
Nous vous proposons un tour d’horizon de ces livres.


De Paris à la Bretagne, une météore dans le ciel des arts décoratifs.
Artiste novatrice, maîtresse dans la gravure et le design, l’apport de Jeanne Malivel (1895-1926) aux divers domaines où elle s’est illustrée frappe par son importance, au regard de sa courte vie.
Dans l’entre-deux-guerres, et plus encore aujourd’hui au fil des redécouvertes de son œuvre, le nom de Malivel se transmet comme un talisman, avec une certaine dose de fascination. En spécialiste, Olivier Levasseur revient ici sur ses années parisiennes puis bretonnes, à l’appui de multiples sources. Ses réalisations, de l’esquisse à l’œuvre, témoignent d’un souffle créatif et engagé, notamment aux côtés des « Seiz Breur », avant-garde bretonne qu’elle a co-fondée il y a tout juste un siècle, en 1923.

Jeanne Malivel Une artiste engagée

Jeanne Malivel Une artiste engagée
Olivier Levasseur
18 x 22 cm – 192 pages – ISBN : 978-2-36833-419-5
éditions Locus Solus – Mars 2023 – 27 €


Suzanne Candré-Creston (1899-1979) sort enfin de l’ombre grâce à cette première monographie.
Dans l’entre-deux-guerres, son apport aux arts décoratifs n’est pourtant pas négligeable, au sein de l’avant-garde bretonne des « Seiz Breur » qu’elle co-fonde. Ses motifs pour la faïence, la broderie, le textile… sont influencés par les styles les plus modernistes de son temps.

Suzanne Candré-Creston - À la source des Seiz Breur

Suzanne Candré-Creston – À la source des Seiz Breur
Pascal Aumasson
16 x 24 cm – 48 pages – ISBN : 978-2-36833-420-1
éditions Locus Solus – Mars 2023 – 12.90 €


Jeanne Malivel (1895-1926) a choisi la Bretagne et le « destin breton », mais c’est à Paris que se fait une partie importante de sa formation. C’est à Paris qu’elle conquiert sa liberté d’artiste et trouve la genèse de l’extrême richesse de son œuvre, cette volonté d’allier les héritages de l’art breton et la modernité que va guider ses pas tout au long de sa brève mais féconde existence.

Jeanne Malivel à Paris

Jeanne Malivel à Paris
Françoise le Goaziou
21 x 29,7 cm – 78 pages – ISBN : 978-2918202-38-7
Association des Amis de Jeanne Malivel & ASIA éditeur (André Soubigou Impression d’Arts) – Février 2023 – 20 €


Le mouvement Seiz Breur a fasciné bien au-delà du petit quart de siècle où il a été actif dans les arts appliqués et décoratifs en Bretagne. L’amitié de Jeanne Malivel, de René-Yves et Suzanne Creston, de Georges Robin et quelques autres provoque la fièvre créatrice d’une nouvelle conscience artistique. Les « Sept Frères » ne sont pourtant d’aucune école et les styles de ses dizaines de membres jusqu’après la guerre, des ébénistes aux architectes, reflètent leur diversité. Pascal Aumasson porte sur eux un regard neuf, illustré de plus de 220 documents, nourri de recherches inédites, élargi aux enjeux de l’art moderne.

SEIZ BREUR - Pour un art moderne en Bretagne

SEIZ BREUR – Pour un art moderne en Bretagne
Pascal Aumasson
18 x 22 cm – 192 pages – ISBN : 978-2-36833-418-8
éditions Locus Solus – Mars 2023 (nouvelle édition) – 27 €

2023 – Locus Solus © – Association des Amis de Jeanne Malivel & Asia éditeur ©

Jeanne Malivel, pionnière de l’art moderne breton (Ouest-France).

À Paris, la bibliothèque Forney, spécialisée dans les arts décoratifs et les métiers d’art, consacre une exposition à l’œuvre de Jeanne Malivel (1895-1926), à l’origine du groupe Ar Seiz Breur.

Lucile Trunel
Lucile Trunel, directrice de la bibliothèque Forney, à Paris, où une exposition permettra de redécouvrir l’œuvre de l’artiste bretonne Jeanne Malivel à partir du mercredi 8 mars

Mise en lumière, installation des derniers meubles… Cette semaine, les équipes de la bibliothèque Forney, à Paris, s’activaient afin de terminer à temps le montage de l’exposition Jeanne Malivel, une artiste engagée, qui sera inaugurée mercredi 8 mars. La journée internationale des droits des femmes n’a pas été choisie par hasard pour cette rétrospective.
Tombée dans l’oubli pendant plusieurs décennies, l’œuvre de Jeanne Malivel est pourtant considérable : peinture, mobilier, céramique, vitrail, textile, gravure… Pionnière de l’art moderne breton, elle a joué un rôle clef dans la création du groupe Ar Seiz Breur, symbole de la naissance du mouvement Art déco en Bretagne.

Jeanne Malivel
Jeanne Malivel fut une graveuse de grand talent.

250 œuvres exposées

« Cette exposition, c’est une manière de la faire redécouvrir », résume Lucile Trunel, directrice de la bibliothèque Forney, spécialisée dans les arts décoratifs et les métiers d’art.
Installée depuis 1961 dans le quartier du Marais, la bibliothèque a été fondée faubourg Saint-Antoine, à la fin du XIXe siècle. « Elle a longtemps été un lieu populaire, fréquenté par des artisans mais aussi par les artistes et leurs élèves, dont Jeanne Malivel. »
La jeune femme a, en effet, été reçue à deux reprises aux Beaux-Arts de Paris. Elle y restera peu de temps, ne supportant pas l’académisme de l’enseignement. « Nous avons retrouvé sa signature dans les registres d’inscription, ainsi que le titre du premier livre qu’elle est venue consulter : un traité de gravure sur bois du XVIIIe siècle. »

Jeanne Malivel
Des croquis de poilus réalisés par Jeanne Malivel. L’artiste s’est engagée comme infirmière pendant la Première Guerre mondiale.

Au fil des trois salles d’exposition, le visiteur découvrira les étapes de la vie de Jeanne Malivel. Sa jeunesse, passée à Loudéac, où elle s’engagera comme infirmière pendant la Première Guerre mondiale. Un rôle qui lui permettra de réaliser de nombreux croquis de poilus et qui la marquera profondément.
« Très tôt, elle est habitée par un sens tragique, qui contraste dans sa production joyeuse, colorée, aux motifs rayonnants », remarque la commissaire de l’exposition, qui est parvenue à réunir plus de 250 œuvres prêtées par la famille de Jeanne Malivel, ainsi que par les musées de Quimper, Saint-Brieuc et Rennes.
Un extrait du documentaire inédit Jeanne Malivel, un soleil se lève, signé par la réalisatrice Laurence-Pauline Boileau, sera également diffusé.

Jeanne Malivel
Jeanne Malivel a joué un rôle clef dans la création du groupe Ar Seiz Breur, précurseur de l’art moderne breton.

« Mettre du beau dans l’utile »

Toute sa vie, cette artiste engagée tiendra à travailler avec des artisans du Centre-Bretagne et ouvrira même un atelier de tissage pour les jeunes femmes de Loudéac.
Devenue enseignante de gravure sur bois et de broderie aux Beaux-Arts de Rennes, elle continuera de concevoir et de dessiner des objets du quotidien jusqu’à son décès brutal en 1926, à l’âge de 31 ans. « Elle a toujours voulu mettre du beau dans l’utile, revisiter la tradition en créant quelque chose de moderne et de breton. »

Exposition Jeanne Malivel, une artiste engagée : du 8 mars au 1er juillet 2023, à la bibliothèque Forney, 1, rue du Figuier, Paris 4e. Du mardi au samedi, de 13 hà19 h. Visite commentée chaque samedi à 15 h. Entrée libre.

Publié le 5 mars 2023 par Pauline BOURDET – Ouest-France ©

Jeanne Malivel à la Bibliothèque Forney – Hôtel de Sens.

Cinq ans après l’exposition du Musée de la Faïence de Quimper, le travail de Jeanne Malivel (1895-1926) est présentée par la Bibliothèque Forney à Paris.

Jeanne Malivel, affiche

250 œuvres ont été réunies de la fondatrice du groupe des Seiz Breur, par la bibliothèque des métiers d’art et des arts graphiques.
de la Ville de Paris.

Jeanne Malivel, assiette
Assiette à décor géométrique, 1925, faïence, Manufacture Henriot, Quimper

Le commissariat de l’exposition est assuré par Coline Malivel et Lucile Trunel (directrice de la bibilithèque Forney).
Un colloque organisé par l’association des Amis de Jeanne Malivel se tiendra à l’Institut national d’histoire de l’art (2 rue Vivienne 75002 Paris), le 15 avril 2023.

Bande annonce :

Deux ouvrages sont édités pour l’occasion :

  • Jeanne Malivel à Paris par Françoise Le Goaziou (éditions association des amis de Jeanne Malivel) ;
  • Jeanne Malivel, une artiste engagée par Olivier Levasseur (éditions Locus Solus).

Les deux auteurs seront en conférence à bibliothèque Forney respectivement, le mercredi 22 mars à 19 h et mercredi 19 avril à 19 h.

Des extraits du documentaire de Laurence-Pauline Boileau : « Jeanne Malivel, un soleil se lève » seront projetés dans la dernière salle de l’exposition.

Une bande-son de l’exposition a été conçue par la Médiathèque Musicale de Paris à partir de leurs collections. Vous pouvez l’écouter ici :

Pour plus d’informations, vous pouvez consulter le site internet de l’institution :

Jeanne Malivel, arbre
Le Vieil arbre, gravure sur bois, 1922

Jeanne Malivel, une artiste engagée
du mercredi 8 mars au samedi 1er juillet 2023 de 13h à 19h (entrée libre)
1 Rue du Figuier, 75004 Paris

Amis du Musée et de la Faïence de Quimper ©